Rétablissement de l'espace biologique par élongation coronaire chirurgicale ou égression orthodontique : indications et choix thérapeutiques - JPIO n° 3 du 01/08/2005
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 3 du 01/08/2005

 

Articles

L. OHAYON   

Cabinet privé
Saint-Maur-des-Fossés

Résumé

La qualité et la pérennité des restaurations des dents délabrées dépendent de leur rapport avec l'attache épithélio-conjonctive; le rétablissement de l'espace biologique, lorsque celui-ci est endommagé, constitue par conséquent une étape capitale du traitement dentaire permettant la préservation de la santé parodontale. Les techniques d'élongation coronaire chirurgicale et d'égression orthodontique offrent la possibilité de retrouver des rapports dento-gingivo-osseux physiologiques nécessaires à l'obtention d'une bonne intégration parodontale des reconstitutions coronaires. La connaissance des avantages et des inconvénients spécifiques à chacune de ces techniques permettra d'opter pour le traitement le plus approprié.

Summary

The quality and durability of repairs to damaged teeth depends on their relationship with the epithelial-conjunctival connection. Re-establishing the biological width, when it's damaged, is therefore an important step in dental treatment as it ensures that periodontal health is maintained. Surgical coronary elongation and orthodontic egression techniques allow the physiological relationship between tooth, gingiva and bone to be re-established and this is essential for the good integration of coronary reconstructions at a periodontal level. A good knowledge of the specific advantages and disadvantages of each of these techniques is necessary for selecting the most appropriate technique for each case.

Key words

Biological width, coronary elongation, orthodontic egression, apically positioned flap, osteotomy, osteoplasty

Introduction

L'élongation coronaire, qu'elle soit chirurgicale ou orthodontique, permet de préserver les piliers dentaires délabrés dont la lésion endommage l'attache épithélio-conjonctive. Le recours à ce type de traitement nécessite de tenir compte de différents paramètres biologiques, anatomiques et esthétiques, qui peuvent être communs ou spécifiques à chacune de ces deux techniques, en ayant pour objectif d'obtenir, de la manière la plus adaptée, la préservation ou le rétablissement d'un espace biologique compatible avec une bonne santé parodontale. La maîtrise de ces différentes techniques d'allongement coronaire permettra d'obtenir les conditions d'une restauration de qualité des piliers dentaires en répondant aux exigences esthétiques et physiologiques du parodonte.

Espace biologique

L'espace biologique est compris entre le fond du sillon gingivo-dentaire et le sommet de la crête osseuse (fig. 1). Il est occupé par l'attache épithéliale (épithélium de jonction) et l'attache conjonctive (fibres gingivo-cémentaires ou supracrestales) (Romagna-Genon et Genon, 2001). La première sertit le parodonte à la dent et isole les autres tissus parodontaux du milieu extérieur, alors que la seconde protège et assure l'herméticité du parodonte profond (Schroeder et Listgarten, 1997).

Lorsque le parodonte est sain, la longueur moyenne de l'attache épithéliale est de 0,97 mm et celle de l'attache conjonctive est de 1,07 mm; la somme de ces deux valeurs correspond à la longueur moyenne de l'espace biologique, soit 2,04 mm (Gargiulo, 1961).

Il est nécessaire de respecter l'intégrité de cet espace biologique au risque d'entraîner une récession gingivale irréversible accompagnée d'un phénomène de résorption osseuse dans le cas d'une gencive fine, ou la formation d'une poche parodontale associée à une inflammation gingivale chronique lorsque la gencive est épaisse (Gunay etal., 2000; Capri et al., 2003).

Indications

L'allongement de la couronne clinique est nécessaire et devient une indication de chirurgie parodontale lorsque la limite de la restauration risque d'interférer avec l'espace biologique (Dientenville et al., 1991). Il est indiqué en cas de fractures dentaires profondes, de caries sous-gingivales, pour augmenter la hauteur des parois dentaires en opposition afin de permettre une bonne rétention des prothèses scellées, lors de perforations iatrogènes ou de résorptions dentaires sous-gingivales. L'élongation coronaire permet aussi de répondre aux critères esthétiques parodontaux (Rufenacht, 1990) par la correction des sourires gingivaux en rallongeant les couronnes cliniques et en apicalisant le bord marginal de la gencive (Robbins, 1999), par l'harmonisation des contours et des festons gingivaux dans les régions esthétiques (Garber et Salama, 1996) ou, enfin, par la rectification des couronnes cliniques trop courtes (Davarpanah et al., 1998).

Contre-indications

Outre les contre-indications liées à l'état de santé général du patient et communes à toutes les interventions chirurgicales concernant la sphère buccale, les élongations coronaires sont contre-indiquées lorsque :

- le rapport couronne/racine est défavorable ou la forme de la racine est effilée, risquant ainsi de provoquer, après l'intervention, une mobilité importante de la dent ;

- le traitement endodontique n'est pas réalisable ;

- il existe une atteinte des furcations ou un risque d'exposition des furcations des molaires au cours de l'ostéotomie (Dibart et al., 2003) ;

- l'intervention risque de modifier l'alignement des contours gingivaux, entraînant ainsi un résultat inesthétique surtout pour le secteur antérieur (Danan et Benmehdi, 2003).

La préparation initiale, qui forme le préalable au traitement parodontal, va consister à effectuer le retrait complet de la carie afin de visualiser l'importance du délabrement, un examen clinique et radiographique de la dent, un détartrage-surfaçage, le traitement ou le retraitement endodontique si besoin est, la reconstitution temporaire de la dent ou la réalisation d'une couronne provisoire et, enfin, une réévaluation.

Lors de l'examen clinique, un sondage parodontal autour de la dent est effectué afin d'évaluer la hauteur des parois résiduelles, de suivre le trajet d'une fêlure ou d'une fracture dentaire et de déceler la présence éventuelle de poches parodontales ou d'atteintes de furcations. Cet examen permet aussi de mesurer la hauteur de la gencive kératinisée et de sa composante attachée qui doivent être compatibles avec une bonne santé parodontale (Maynard et Wilson, 1979).

L'examen radiographique permet d'évaluer la profondeur de la lésion, qu'elle soit carieuse ou traumatique, par rapport au niveau de la crête osseuse. Il est aussi possible d'évaluer le rapport racine/couronne, la présence de proximités radiculaires, la hauteur des furcations (Becker et al., 1998), la qualité du traitement endodontique ou la nécessité d'étendre la résection osseuse aux dents collatérales (Wagenberg, 1998).

L'analyse de ces différents paramètres va permettre de déterminer la technique d'élongation coronaire la mieux adaptée.

Comparaison des techniques chirurgicale et orthodontique d'élongation coronaire

Élongation coronaire chirurgicale

L'élongation corono-radiculaire chirurgicale est l'aménagement des tissus dento-parodontaux pour réaliser l'allongement, en direction apicale, de la couronne clinique d'une dent délabrée afin d'en permettre la restauration tout en préservant ou en recréant l'attache épithélio-conjonctive.

Le traitement chirurgical s'adressera donc à l'os alvéolaire, quand cela est nécessaire, le remodelage osseux étant une combinaison d'ostéoectomie et d'ostéoplastie ; il s'adressera aussi à la gencive papillaire, à la gencive marginale, au desmodonte et, enfin, à la dent elle-même puisqu'il faut réaliser une préparation précise de celle-ci pour que les limites de la restauration puissent se trouver à distance de l'attache épithéliale (Bragger et al., 1992 ; Fuzzi et Carnevale, 1997).

L'élongation coronaire chirurgicale présente l'avantage d'être rapide à mettre en œuvre et elle permet d'éliminer les poches parodontales dans le même temps chirurgical (Étienne et Joly, 1992). Elle reste cependant une technique mutilante qui peut, pour des raisons esthétiques d'harmonisation des contours gingivaux, devoir être étendue aux dents collatérales.

Protocole opératoire

L'importance du délabrement dentaire est visualisée lors de l'examen clinique (fig. 2). La radiographie pré-opératoire révèle, entre autres, la limite infra-osseuse de la paroi dentaire distale (fig. 3).

Une incision à biseau interne jusqu'à la crête osseuse ainsi qu'une incision intrasulculaire sont réalisées; la collerette gingivale est alors éliminée à l'aide d'une curette Younger-Good 7/8 et de curettes de Gracey 11/12 et 13/14. Il est possible de pratiquer une incision de décharge vestibulaire en cherchant le contact osseux jusqu'à la ligne de jonction muco-gingivale ; au-delà de cette limite, l'incision ne doit pas léser le périoste (Friedman, 1962) ; ce type d'incision permet un meilleur accès au champ opératoire.

Les lambeaux vestibulaire et palatin sont ensuite réclinés en épaisseur totale à l'aide d'un décolleur de Molt, la réclinaison en épaisseur totale s'effectuant jusqu'à la ligne de jonction muco-gingivale pour ce qui concerne le côté vestibulaire.

La dissection en épaisseur partielle de la muqueuse vestibulaire à partir de la ligne de jonction muco-gingivale est réalisée en maintenant la lame de bistouri parallèle à la paroi osseuse tout en veillant à conserver un lit périosté suffisamment épais pour supporter la suture périostée et empêcher la mobilité du lambeau (Kramer et al., 1970) ; la dissection doit s'opérer sur toute la largeur du lambeau pour obtenir une meilleure laxité.

Le surfaçage radiculaire est alors effectué.

L'ostéotomie va consister à éliminer une partie de l'os de soutien de la dent (Alcouffe et Mattout, 2003), os d'ancrage de fibres desmodontales, afin de ménager une distance d'au moins 3 mm entre la limite du tissu dentaire résiduel sain et le sommet de la crête osseuse (Taïeb et al., 1999) : cette hauteur correspond à l'espace chirurgical préprothétique. L'ostéotomie est obtenue par l'utilisation de fraises boules à os sous irrigation au sérum physiologique et de ciseaux d'Ochsenbein n° 1 et n° 2 (Ochsenbein et Ross, 1969) (fig. 4). L'évaluation de la hauteur de racine à dégager entre la partie apicale de la lésion et la crête alvéolaire se fait à l'aide d'une sonde parodontale ; cette hauteur doit être au minimum de 3 mm correspondant aux 2 mm d'espace biologique à préserver auxquels s'ajoute 1 mm qui représente la profondeur minimale physiologique du sulcus (De Waal et Castellucci, 1994 ; Viargues et Meyer, 1995). Lorsque la restauration gingivale doit avoir des limites sous-gingivales, il convient d'augmenter cette hauteur de façon à rester à distance raisonnable de l'attache épithéliale afin d'éviter toute agression due à des limites de préparation trop proches (Genon, 1986 ; Block, 1987).

Par ailleurs, il faut procéder au remodelage de l'os interproximal de façon à harmoniser les contours osseux et gingivaux de la dent traitée avec ceux des dents collatérales (Lindhe, 1997).

L'ostéoplastie permettra un remodelage afin de rétablir ou d'obtenir une morphologie osseuse physiologique sans résection de l'os support de la dent. Elle est effectuée à l'aide d'instruments rotatifs sous irrigation ainsi que d'instruments manuels (fig. 5). Elle a pour objectifs :

- d'amincir les crêtes alvéolaires jusqu'à ce qu'elles finissent en pente douce ;

- de rétablir une architecture osseuse festonnée autour des dents de façon que les septa soient coronaires aux crêtes osseuses vestibulaires et palatines ou linguales ;

- de remodeler les septa interdentaires afin qu'ils retrouvent une forme convexe en dôme (Sato, 2003) ;

- de recréer des sillons interproximaux (Johnson, 1990).

Le lambeau est repositionné apicalement, permettant ainsi de conserver la hauteur initiale de gencive kératinisée autour de la dent à traiter et d'éviter toute récession ou inflammation chronique après la cicatrisation (Caillon et Danan, 2000). Les papilles interdentaires sont alors suturées par des points de matelassier verticaux (Mousques et Levavasseur, 1989 ; Newell et Brunswold, 1985) (fig. 6). Il est possible d'effectuer une suture périostée horizontale pour maintenir le lambeau plaqué sur le périoste (Newman et al., 2002). Lorsqu'une incision de décharge a été pratiquée, il est conseillé d'apicaliser les points de pénétration de la suture sur la partie fixe, tout en veillant à bien passer sous le périoste, pour obtenir une traction apicale du lambeau (Alcouffe, 1992). Une radiographie de contrôle postopératoire est effectuée (fig. 7).

Une compression est ensuite réalisée à l'aide d'une compresse imbibée de sérum physiologique afin d'éviter la formation d'un caillot sous le lambeau.

L'antibioprophylaxie n'est pas nécessaire pour ce type d'intervention lorsque le patient ne présente pas de problème de santé particulier (Roche, 1997 ; ANDEM, 1996).

Les points de suture sont retirés 8 jours après l'intervention.

L'empreinte et la pose de l'inlay-core peuvent être effectuées 15 jours plus tard, les limites périphériques de la préparation étant parfaitement lisibles à ce stade du traitement.

Une couronne provisoire est posée le temps de la cicatrisation du parodonte (Decup et Renault, 1995) (fig. 8). La prothèse provisoire aura, dans un premier temps, des limites supragingivales pour ne pas gêner la cicatrisation; au terme de la maturation gingivale, la préparation dentaire pourra être infragingivale en veillant à rester à distance de l'attache épithélio-conjonctive (De Waal et Castellucci, 1993 ; Bouchard et Étienne, 1993) (fig. 9).

La prothèse définitive est réalisée 6 mois après l'intervention (fig. 10 et 11). En effet, bien que la cicatrisation parodontale, dans ce type de chirurgie, arrive à son terme au bout de 2 mois (Ainamo et al., 1996), l'obtention d'un parodonte superficiel stabilisé n'est réalisée qu'à l'issue d'une période allant de 3 à 6 mois (Lanning et al., 2003).

Égression orthodontique

Elle consiste à appliquer une force de traction continue en direction coronaire suivant le grand axe de la dent de façon à permettre son égression pour rétablir un espace biologique physiologique (Blase et Bercy, 1991).

Le phénomène d'égression repose sur la réaction élastique de l'arc orthodontique ; la force de traction va dépendre de la section de l'arc ainsi que de la rigidité du matériau qui le compose (Graber et Vanarsdall, 2000).

L'intensité de cette force va déterminer la réponse parodontale :

- lorsque celle-ci est modérée, la dent se déplace avec son parodonte, c'est-à-dire avec l'os alvéolaire, l'attache épithélio-conjonctive et la gencive (Proffit, 1993). Il existe un décalage entre ces deux phénomènes dans la mesure où l'égression de la dent va précéder le déplacement coronaire du parodonte (Carlson, 1985). Celui-ci va alors présenter une architecture inversée qui nécessitera une chirurgie parodontale dont le sacrifice osseux sera limité à la dent traitée (Johnson et Sivers, 1986 ; Laborde et Borghetti, 1987). Une fibrotomie pratiquée au niveau des fibres supracrestales va permettre d'accélérer l'égression de la dent et de limiter le déplacement du parodonte (Kozlovsky et al., 1988) ;

- lorsque la force exercée est intense, elle est accompagnée d'une rupture des fibres supracrestales, le déplacement de la dent est plus rapide et son extrusion n'est pas suivie par le parodonte (Benenati et Simon, 1986 ; Berglundh et al., 1991).

Le déplacement vertical d'une dent ne peut être toléré que s'il n'excède pas 3 à 4 mm par mois, au risque de provoquer des lésions au niveau du ligament desmodontal, ces mêmes lésions risquant d'entraîner une ankylose ou l'extraction de la dent traitée (Giovannoli et N'Guyen, 1992). Il est par ailleurs nécessaire d'effectuer, au terme de la période de déplacement orthodontique, une contention visant à obtenir une stabilisation du pilier dentaire. La durée de cette contention, qui est fonction de la période d'égression, doit permettre une réorganisation des fibres desmodontales ainsi qu'un remodelage osseux et peut osciller entre 3 et 6 semaines (Mac Donald et al., 1982).

L'élongation coronaire par égression orthodontique présente l'avantage de diminuer ou, dans certains cas, de supprimer le sacrifice osseux et préserve les dents collatérales (Wolffe et al., 1994). Elle permet aussi de supprimer certaines poches infra-osseuses localisées (Stern et Becker, 1980 ; Fontenelle, 1982).

Les inconvénients liés à cette technique sont la durée relativement importante et les particularités contraignantes du traitement qui nécessite un contrôle régulier ainsi qu'un appareillage, inesthétique et encombrant, souvent mal supporté par le patient. En effet, le praticien doit revoir son patient chaque semaine afin de mieux contrôler la vitesse d'égression. Le traitement orthodontique n'exclut par ailleurs pas obligatoirement l'intervention chirurgicale qui consistera à effectuer un remodelage des contours osseux limité à la dent traitée.

Il existe, en outre, des contre-indications spécifiques à ces techniques orthodontiques telles que l'ankylose radiculaire, un diamètre radiculaire mésio-distal trop faible, risquant de provoquer une ouverture des embrasures inesthétique au niveau antérieur, un espace interarcade insuffisant interdisant la réalisation d'une restauration de hauteur satisfaisante (Cronin et Wardle, 1981), la présence d'une divergence radiculaire importante pour les dents pluriradiculées pouvant entraîner une fermeture des embrasures ainsi que des contacts radiculaires avec les dents collatérales ou, pour terminer, l'existence d'un édentement collatéral à la dent à traiter.

Protocole opératoire

L'état de délabrement du pilier dentaire est évalué (fig. 12) et un sondage parodontal est réalisé tout autour de la dent de façon à repérer le fond du sillon gingivo-dentaire. La radiographie préopératoire permet de visualiser la hauteur d'ancrage radiculaire ainsi que le niveau des parois dentaires par rapport à la crête osseuse (fig. 13).

La couronne existante est rescellée pour servir de moyen d'ancrage au système de traction orthodontique. Le bracket, situé sur la dent à traiter, doit être placé apicalement par rapport à ceux collés sur les dents collatérales en fonction du déplacement dentaire désiré (fig. 14). La couronne de cette même dent est mise en sous-occlusion de façon à créer un espace de 1 mm avec les dents antagonistes. Cette opération est renouvelée chaque semaine pour permettre une traction progressive du pilier dentaire jusqu'à obtenir la hauteur d'égression recherchée. Le déplacement dentaire peut être facilement évalué en notant l'espace existant entre l'apex de la dent et le fond de l'alvéole.

Une fibrotomie des fibres supracrestales est réalisée chaque semaine pour accélérer l'égression dentaire.

Les radiographies peropératoires permettent de suivre le déplacement orthodontique (fig. 15).

Au terme de la traction orthodontique, les limites périphériques de la dent apparaissent clairement (fig. 16). Il peut arriver, à ce stade, d'avoir à pratiquer un remodelage gingival accompagné d'une légère ostéoectomie-ostéoplastie limité à la dent traitée suivant le protocole chirurgical décrit précédemment (fig. 17 et 18). Des sutures de matelassier verticales sont ensuite réalisées (fig. 19).

Un inlay-core est réalisé et la couronne provisoire est scellée; elle va être collée aux dents collatérales pour réaliser une contention pendant la période de cicatrisation parodontale afin d'éviter tout phénomène de réingression dû à une tension excessive des fibres supracrestales (fig. 20). Dans le cas clinique décrit, le système multi-attaches n'est pas conservé comme moyen de contention, d'une part pour obtenir plus rapidement une meilleure esthétique et un plus grand confort et, d'autre part, pour éviter tout risque d'infiltration carieuse pendant cette période en réalisant une prothèse temporaire aux limites adaptées aux parois restantes.

La cicatrisation gingivale est contrôlée (fig. 21) ; la prothèse définitive ne pourra être réalisée qu'au terme de la période de stabilisation du parodonte superficiel (fig. 22 et 23).

Discussion

Bien que le rétablissement de l'espace biologique par traction orthodontique constitue un traitement long et contraignant, tant pour le patient que pour le praticien, il présente cependant l'avantage de supprimer ou de réduire significativement le sacrifice osseux, qui sera alors limité à la dent concernée, pour une meilleure conservation de l'anatomie parodontale ; force est de constater qu'actuellement, les pratiques chirurgicales parodontales s'orientent plus volontiers vers les techniques conservatrices, reconstructrices ou même régénératrices pour délaisser les techniques résectrices jugées trop mutilantes. Le rétablissement de l'espace biologique par l'allongement coronaire doit permettre de réaliser des restaurations de dents délabrées qui respectent l'environnement gingival tout en recherchant le meilleur résultat esthétique pour les régions antérieures (Jorgensen et Nowzari, 2001). La qualité du résultat esthétique des prothèses dentaires dépend de l'environnement parodontal (Kay, 2002) qui doit reproduire l'harmonie idéale du rebord gingival, en présentant un dessin festonné et en fermant les embrasures par l'intermédiaire des papilles interdentaires (Magne et Belser, 2003), cette fermeture étant autant conditionnée par la morphologie dentaire que par l'anatomie osseuse sous-jacente (Tarnow et al., 1992 ; Olsson et al., 1993).

Il n'en demeure pas moins que les techniques chirurgicales d'allongement coronaire conservent toutes leurs indications, quand il y a sacrifice osseux, lorsque celui-ci est acceptable tant pour la dent concernée que pour les dents collatérales ; elles permettent, par ailleurs, d'obtenir des prothèses biologiquement intégrées ainsi qu'une architecture gingivale adaptée à une bonne maintenance parodontale.

Conclusion

Le traitement des dents délabrées est une démarche thérapeutique qui doit être abordée dans sa globalité ; le rétablissement de l'espace biologique, par les différentes techniques d'allongement coronaire, permet de pouvoir restaurer les piliers dentaires en respectant la physiologie et la santé parodontale ; la bonne intégration parodontale de ces restaurations garantira leur qualité ainsi que leur pérennité. L'examen minutieux des différents paramètres cliniques, radiographiques et esthétiques permettra, par ailleurs, de choisir l'option thérapeutique, chirurgicale ou orthodontique, la plus appropriée.

L'élongation coronaire constitue, par conséquent, une possibilité thérapeutique qui doit être prise en considération avant d'envisager l'avulsion d'une dent. Il convient, cependant, de veiller à bien en cerner les indications et les limites afin d'éviter tout risque de surtraitement.

Demande de tirés à part

Laurent OHAYON : 25 rue de la Varenne - 94100 SAINT-MAUR-DES-FOSSÉS - FRANCE.

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