RÉSEAU SANTÉ SOCIAL, L'INTERNET PRIVÉ DE LA SANTÉ - Clinic n° 4 du 01/04/1999
 

Clinic n° 4 du 01/04/1999

 

VIE PROFESSIONNELLE

REPORTAGE

Jacques BUSSEAU  

La santé s'informatise. Les professionnels de santé également. Mais pas au même rythme. Il faut, de plus, considérer que praticien « informatisé » ne signifie pas toujours praticien « utilisateur » de certains outils proposés comme le Réseau santé social. Attitude de méfiance ou stratégie politique ? Il est vrai que si cet « Internet de la santé », avec échanges d'informations médicales, paraît inéluctable, la raison commande de ne pas faire n'importe quoi. Les enjeux sont de taille. Enjeux financiers, mais aussi déontologiques…

Un membre du Conseil supérieur des systèmes d'information de santé* considérait récemment, lors d'un colloque, que nous n'en étions plus à l'époque où la médecine s'exerçait entre deux personnes. Aujourd'hui au contraire, le « colloque singulier » entre le médecin et le patient doit être partagé, dans le but d'améliorer les soins : « peut-on faire le diagnostic d'une maladie un peu complexe, soulignait-il notamment, sans radios, sans examens de laboratoire, sans pharmacien, sans biologiste, voire sans kinésithérapeute ou sans infirmière ?… Non. Les 14 professions de santé ont droit à une partie des données médicales ou des informations médicales, dans l'intérêt même du patient ». Dès lors, il paraît important de définir les limites de ce partage de données.

Tout repose d'abord sur l'accord du patient lui-même. Accord inscrit dans la loi, dans le Code pénal, dans le Code de déontologie et dans la Directive européenne sur la confidentialité des données. Il faut ensuite considérer que ce qui n'est pas utile à la mission des uns et des autres n'a pas à être divulgué. Enfin, l'information partagée ne doit pas comporter les données sans intérêt pour le diagnostic, le pronostic, la thérapeutique et le comportement général des différents professionnels de santé.

Dans ce contexte, le Réseau santé social (RSS) doit, selon les experts, « faciliter l'échange » des données « partageables ». Les patients en général n'accepteraient pas que leurs dossiers de soins - comportant des informations nominatives, avec des conditions de secret, de cryptage et d'accès très réglementées - soit transmis par Internet. La seule justification du RSS est d'être un réseau qui, à partir des technologies standard Internet, sécurise le flux informationnel sanitaire en assurant la confidentialité des échanges - de données ou d'imagerie - entre les partenaires « validés » que sont les professionnels de santé (médecins, chirurgiens-dentistes, pharmaciens, infirmières, kinésithérapeutes, laboratoires d'analyses, orthophonistes…) et leurs collaborateurs, les établissements de santé publics et privés, les unités d'enseignement médical et paramédical, les unités de recherche médicale, les organismes d'assurance maladie obligatoire et complémentaire, les services relevant des ministères de la Santé, de l'Action et de la Protection sociale, enfin les fournisseurs de services (comme le ministère de la Santé et l'Agence française du médicament) et des réseaux associés agréés (réseaux ville-hôpital regroupant hôpitaux, cliniques, professionnels libéraux et associations de soins à domicile). Notons enfin que le RSS n'est « pas imposé » aux acteurs de santé qui peuvent utiliser d'autres réseaux qui commencent d'ailleurs à être proposés.

1 600 connectés en un an

Défini en 1997, dans la foulée des Ordonnances d'avril 1996, dites Juppé, lancé le 2 avril 1998 en Bretagne, puis le 15 mai en Champagne-Ardennes-Lorraine, après avoir vu (en novembre 1998) sa concession confiée pour 5 ans à un opérateur privé, Cegetel, le Réseau santé social compte aujourd'hui un peu plus de 1 600 médecins libéraux et 20 caisses primaires d'assurance maladie connectés.

Pour répondre aux nombreux problèmes de sécurité, il comporte 3 types de procédures : la CPS (Carte de professionnel de santé), passeport indispensable pour accéder au RSS (20 000 professionnels de santé sur 300 000 ont reçu à ce jour leur CPS) ; des systèmes « pare-feu » interdisant l'accès aux non-abonnés ou aux virus informatiques ; des informations confidentielles cryptées (comme les feuilles de soins électroniques) ne pouvant être lues que par les abonnés dotés du logiciel de déchiffrage.

Cela étant, le RSS comporte aussi une passerelle avec l'ensemble d'Internet qui permet d'aller chercher des informations sur le Web.

Question coût, le RSS démarre son abonnement de connexion mensuel à 35 F (pour 30 minutes d'accès aux services sécurisés, avec les feuilles de soin électroniques, + 8 F par demi-heure supplémentaire). La connexion de 3 heures au RSS + Internet revient à 55 F mensuels (+ 15 F par heure supplémentaire). Enfin, le même accès illimité revient à 115 F. L'accès au RSS et à Internet coûte par ailleurs le prix d'une communication téléphonique locale. Enfin, pour l'accès aux services Internet sans CPS, les 3 heures de connexion mensuelle reviennent à 45 F (95 F pour une connexion illimitée).

Quelques bémols

On ne peut cependant pas dire que le système, tout séduisant qu'il soit, ait bonne presse parmi les professionnels de santé. Les médecins condamnent la mise en place « précipitée et sans coordination » de la CPS et la Cour des Comptes elle-même renchérit en dénonçant un « projet défaillant et onéreux » quand on nous dit les finances « précaires »…

Dans le domaine dentaire, les réactions à la télétransmission et aux feuilles de soin électroniques n'ont pas manqué de la part d'organismes professionnels. L'Ujcd, par exemple, considère l'aspect financier du système et demande une « prise en charge des télétransmissions par les caisses », la « gratuité de la Carte professionnelle de santé », la « fourniture et la maintenance gratuite du lecteur double carte », enfin un « bilan économique annuel des coûts de fonctionnement du système pour les caisses et la profession avec une évolution en conséquence de l'aide envisagée pour la télétransmission ».

Une pétition a même été lancée en son temps par la Coordination des associations des professionnels de santé (Caps) afin de dénoncer la « violation du secret médical » que représente la télétransmission.

Nul doute que la situation s'améliorera d'elle-même avec le temps. D'abord parce que les professionnels se familiariseront progressivement à ces « nouveaux outils ». Ensuite parce que les pouvoirs publics feront tous les efforts pour rendre le système inattaquable. Les uns et les autres ont intérêt à sa réussite. Mais que de retards dispendieux prévisibles d'ici là.

* Organisme créé en janvier 1997 par l'ancien ministre de la Santé, Jacques Barrot, après le Rapport Rozemaryn, pour « aider l'ensemble des protagonistes à avoir une vision plus globale sur l'informatisation progressive du monde de la santé ». Il est complété par un « Comité d'agrément du RSS » qui préside à l'agrément administratif des réseaux de services associés sur le RSS, « en fonction de la compatibilité de leur activité avec les objectifs de protection de la santé publique, d'amélioration de la qualité des conditions d'examen des professionnels et des services rendus aux personnes ou avec la maîtrise médicalisée des dépenses de santé ».

Le ticket Cegetel-Apple

Parce que moins de 6 % des professionnels de santé libéraux disposent aujourd'hui de leur Carte professionnelle de santé, Cegetel propose à tous une offre d'accès sans CPS aux services Internet du RSS (web, courrier électronique à partir d'un e-mail, forums de discussion publics…). Dès réception de sa carte CPS, le professionnel de santé bénéficiera ensuite de l'accès automatique au RSS et à tous les services sécurisés.

Accès automatique, car il n'est pas nécessaire d'installer un nouveau kit de connexion grâce à la « page d'accueil Internet unique » que Cegetel a conçue pour tous, possesseurs ou non d'une CPS.

A ce sujet, l'opérateur s'est allié à Apple pour proposer un kit de connexion à tous les professionnels de santé travaillant quotidiennement sous environnement Macintosh. Ce kit s'adapte à l'ensemble des modèles Macintosh, notamment les gammes PowerMac, PowerBook et iMac. Pour tout renseignement (y compris sur la façon de se connecter au RSS et les équipements nécessaires à cette connexion), un numéro azur, le 0801 00 33 33 (entre 8 et 20 h).

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