La lithotritie parodontale - JPIO n° 1 du 01/02/1998
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 1 du 01/02/1998

 

Vient de paraître

J. Meyer  

Le titre se veut provoquant. Objectif atteint. La lithotritie est une partie de la chirurgie qui consiste à éliminer un calcul de la vessie. Le détartrage est ainsi assimilé à une lithiase infectieuse du parodonte. Il n'est pas inconcevable d'admettre que la précision d'un mot, même habituel, puisse générer la précision d'un concept ou d'un acte.

L'ensemble de l'ouvrage est abondamment illustré. L'iconographie est remarquable, la lecture est facile parce que souvent...


Le titre se veut provoquant. Objectif atteint. La lithotritie est une partie de la chirurgie qui consiste à éliminer un calcul de la vessie. Le détartrage est ainsi assimilé à une lithiase infectieuse du parodonte. Il n'est pas inconcevable d'admettre que la précision d'un mot, même habituel, puisse générer la précision d'un concept ou d'un acte.

L'ensemble de l'ouvrage est abondamment illustré. L'iconographie est remarquable, la lecture est facile parce que souvent présentée dans un style parlé, des fonds grisés mettent en exergue les points forts de chaque chapitre et quelques dessins humoristiques relancent l'attention du lecteur. Quant aux références bibliographiques, elles sont innombrables.

Le premier chapitre résume et condamne la thérapie conventionnelle. La mise à plat des poches et l'architecture positive ne seraient fondées sur aucune étude scientifiquement valable. Les matériaux de comblements seraient voués à l'échec en présence d'une flore incompatible avec la santé parodontale. En ce qui concerne les membranes de la régénération tissulaire guidée, les indications seraient très limitées et il s'agirait plutôt d'une « parodontie gadget ». L'auteur est conscient du choc et de la déstabilisation que ces nouvelles données pourraient provoquer. Il est clair que ces mêmes données ne peuvent s'adresser qu'à des lecteurs initiés et avertis. La proposition que le surfaçage systématique ne serait plus justifié pour éliminer les endotoxines de la surface radiculaire ne peut, de même, être assimilée que par des lecteurs déjà bien informés. Le deuxième chapitre traite du détartrage dénommé donc lithotritie. Aux questions : pourquoi faut-il éliminer le tartre, peut-on éliminer la totalité du tartre et quand faut-il éliminer le tartre, J. Charon répond qu'il s'agit d'un environnement favorable aux bactéries virulentes, que la zone située apicalement au tartre le plus profond ne doit pas être instrumentée avec vigueur et que l'abord mécanique ne peut se faire que si les lésions sont cliniquement et microbiologiquement au repos. Sur le plan technique, l'insert est placé à la jonction tartre-dent puis activé, et ce, en procédant de la superficie vers la profondeur. Il s'agit d'ôter le tartre accessible à l'il et au toucher. Bien qu'il soit précisé qu'il n'existe pas de preuve scientifique directe sur la nature de la cicatrisation, les schémas qui montrent une consolidation de l'os parodontal déminéralisé ne doivent effectivement être retenus qu'au stade de l'hypothèse. Pour autant que soit précisé le terme consolidation. Dans le chapitre consacré au surfaçage une hypothèse est émise : le cément respecté agirait comme une membrane d'exclusion naturelle empêchant la prolifération de l'épithélium de jonction et permettant ainsi une certaine forme de régénération. La fine cuticule qui recouvre le cément contiendrait plus d'endotoxines que le cément lui-même. L'auteur pense ainsi que le surfaçage devrait respecter le cément résiduel bien que la détection manuelle entre la dentine et le cément soit difficile car ces deux structures ont à peu près la même dureté. Ce respect du cément résiduel ne resterait d'ailleurs possible qu'à la condition que la flore soit compatible avec la santé parodontale. Le chapitre le plus court du livre concerne le curetage. Dans la méthode conventionnelle, le curetage de la partie molle des lésions pourrait faire disparaître ce qui représente le fondement des tissus conjonctifs : ostéoblastes, collagène, protéoglycanes. Les chances de réattache seraient alors hypothétiques. Le curetage des parties molles serait justifié parce que envahies par des bactéries pathogènes, mais J. Charon pense que le système immunitaire est souvent capable d'éliminer ces bactéries si la thérapeutique étiologique anti-infectieuse est mise en place rapidement. Cette affirmation mériterait une assise scientifique. De toutes les manières, l'attache épithélio-conjonctive de la lésion concernée devrait être respectée. Sur ce dernier point, la dénomination si importante d'attache épithélio-conjonctive située à la partie apicale de la lésion mériterait également quelques développements car la structure exacte de cette zone pathologique ne semble pas avoir été encore clairement démontrée.

Les cinq pages consacrées à la lithotritie chirurgicale procèdent des concepts précédents : des incisions effectuées à minima et s'il s'agit d'une dent indemne de soins le respect du cément. Le débat sur le praticien qui n'a le sentiment de n'être réellement parodontiste que lorsqu'il sera capable de réaliser des actes de chirurgie ou la mise en dérision du principe d'enseignement sur des mâchoires de porcs qui reste encore le substrat préféré de la pédagogie sera laissé à l'appréciation de chacun. Le livre se termine par la présentation de vingt-huit cas cliniques remarquablement illustrés et dont la réflexion thérapeutique commentée ne peut être qu'enrichissante. Cette présentation originale sous forme d'atlas pratique est agréable à consulter et montre des résultats intéressants. Dans les examens complémentaires, la relation faite entre la phase active de la maladie et la mobilité de la flore examinée au microscope à contraste de phase mériterait sans doute quelques développements de protocole puisque même la fiabilité des sondes ADN a été quelque peu remise en cause par rapport à l'exactitude des cultures. Dans la majorité des cas présentés, il est d'ailleurs effectué un prélèvement de plaque sous-gingivale au niveau d'un seul site. La représentativité de ce seul site, et même son choix, mériterait sans doute quelques nuances avant de porter le diagnostic de parodontite microbiologiquement active. L'auteur précise par ailleurs que le clinicien ne doit pas se laisser abuser par une gencive rose pâle car le parodonte peut très bien être encore infecté. La relation entre l'aspect clinique et le protocole microbiologique reste donc à débattre, en particulier pour la compatibilité. Parmi nombre d'objectifs thérapeutiques mentionnés pour ces cas, il est enfin précisé l'arrêt total des mobilités. Si l'objectif du parodontiste est de conserver les dents, même mobiles, la réversibilité totale de ces mêmes mobilités représente de la part de l'auteur un engagement de maîtrise biologique qui pourrait être nuancé. Dans sa préface, H. Newmann précise qu'il ne s'agit pas de l'idée d'un original mais peut-être du devenir de la parodontologie lorsqu'elle est basée principalement sur des évidences scientifiques. L'antinomie sémantique de cette affirmation doit être remarquée, en particulier sur le plan de la rigueur. Il semble en effet que si l'ensemble de ces concepts est basé sur la notion de flore compatible avec la santé parodontale, c'est toujours la notion scientifique de compatibilité qui reste en question, ainsi que le protocole de détection de cette même flore et son interprétation. La postface, au-delà de la bouche, carrefour de tous les dangers mais aussi de tous les plaisirs, est une promenade sensuelle, romantique et romanesque qui nous conduit de la douleur à la souffrance. Cette réflexion est captivante, car si les dents peuvent être remplacées, elles restent malgré tout irremplaçables. L'Histoire abonde de révolutionnaires incompris, chacun ayant été persuadé que sa cause était la meilleure du monde. L'histoire parodontale jugera. D'ailleurs, l'essentiel n'est sans doute pas que le rêve se réalise, l'essentiel est peut-être de rêver. Par exemple un rêve parodontal. Un tel ouvrage mérite considération pour la somme de travail qu'il représente. Ce livre ne laisse pas indifférent.