Effets de la technique de « bone blending » sur l'os spongieux cryoconservé - JPIO n° 1 du 01/02/1998
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 1 du 01/02/1998

 

Articles

A. Borghetti *   J.J. Bonfil **   M. Remusat ***   F. Dillier ****  


*Faculté d'Odontologie,
Université de la Méditerranée, Marseille

Résumé

Le but de la présente étude était d'observer l'effet de la technique de « bone blending » sur l'os spongieux humain cryoconservé et de mesurer la taille des particules obtenues. L'os spongieux cryoconservé provenant d'une tête fémorale humaine a été malaxé dans des capsules de vibreur à amalgame et préparé pour l'observation en microscopie optique. Deux vibreurs différents ont été employés, et chacun d'eux testé à différents temps de vibration : 20, 30, 45 et 60 secondes pour le Dentomat® et 3, 5 et 10 secondes pour le Silamat®. La taille des particules a été mesurée sur des photographies selon leur plus grande longueur ; 5 058 particules osseuses ont été comptées et mesurées. Les particules de 8 à 48 µm représentaient de 64,99 % à 86,25 % de l'effectif total, en fonction du vibreur et du temps de vibration. Les particules supérieures à 100 µm représentaient de 7,63 % à 15,68 %. La technique de « bone blending » avec de l'os spongieux humain produit surtout de très petites particules.

Summary

The purpose of the present study was to observe the effect of the bone blending technique on human cryopreserved cancellous bone and to measure the particle size obtained. Cryopreserved cancellous bone obtained from one human femur head was tritured in amalgam triturator capsules and then prepared for light microscopy analysis. Two different triturators were tested and each of them was tested at different trituration times : 20, 30, 45 and 60 seconds for Dentomat® and 3, 5 and 10 seconds for Silamat®. Particle sizes were measured on photographs according to their length ; 5 058 osseous particles were counted and measured. 8 to 48 µm particles represented from 64.99 % to 86.25 % of the total number depending upon the amalgam triturator and the vibration time. Particles exceeding 100 µm represented from 7.63 % to 15.68 %. Bone blending technique on human cancellous bone produced mainly very small bone particles.

Key words

Bone graft, bone blending

Les greffes osseuses sont toujours largement employées en chirurgie parodontale et en chirurgie implantaire orale, avec ou sans une technique de Régénération Tissulaire Guidée (RTG). Différentes méthodes de prélèvement d'os intra-oral ont été proposées, et essentiellement le prélèvement au ciseau et à la pince gouge (Nabers et O'Leary, 1965 ; Rosenberg 1971 ; Hiatt et Schallhorn, 1973), le coagulum osseux (Robinson, 1969 ; Rivault et coll., 1971 ; Coverly et coll., 1975) et la technique dite du « bone blending » (Diem et coll., 1972).

Diem et coll., en 1972, ont introduit la technique du « bone blending » pour réduire en fines particules les fragments d'os cortical et d'os spongieux prélevés, en les malaxant dans un vibreur à amalgame. Une comparaison des matériaux de greffe osseuse chez l'animal (Mellonig et coll., 1981a, b) et des études cliniques et histologiques chez l'homme (Hawley et Miller, 1975 ; Froum et coll., 1975a, b et 1976) ont attribué à l'os obtenu par cette technique un certain potentiel ostéogénique. Zaner et Yukna (1984) ont montré que la taille moyenne des particules pour le « bone blend » était de 210 x 105 µm.

L'utilisation d'os spongieux cryoconservé a été proposée (Borghetti et coll., 1988) et une étude clinique contrôlée a montré que ce type de matériau était efficace dans le traitement des défauts intra-osseux parodontaux (Borghetti et coll., 1993). L'os spongieux provenait de têtes fémorales supprimées pour une prothèse de hanche, et réduites en fines particules par la technique de « bone blending ».

Le but de cette étude a été d'observer histologiquement l'effet de la préparation selon la méthode du « bone blending » sur l'os spongieux humain cryoconservé, et de déterminer la taille des particules obtenues.

Matériel et méthode

Le matériel d'étude était une tête fémorale supprimée pour une prothèse de hanche, et préparée par le Centre régional de Transfusion sanguine de Marseille, selon un protocole déjà décrit par Borghetti et coll. (1988). Les 35 tubes contenant chacun 0,5 cm3 d'os spongieux ont été conservés dans l'azote liquide à - 196 °C. Le contenu de chaque tube a été décongelé au bain-marie à + 42 °C, rincé avec une solution de NaCl à 0,9 %, et finalement fixé dans du formol à 10 %. L'os contenu dans chaque tube a été vibré dans une capsule de vibreur à amalgame. Les différents tubes ont été attribués par randomisation à un des deux vibreurs suivants : le Dentomat® 1 et le Silamat® 2. Différents temps de vibration ont été testés pour chacun d'eux : 20, 30, 45 et 60 secondes pour le Dentomat®, et 3, 5 et 10 secondes pour le Silamat®. Cinq tubes ont été utilisés pour chaque temps de vibration de chaque appareil (fig. 1).

Après trituration, le « bone blend » de consistance pâteuse était inclus en gélose pour éviter sa dispersion pendant les manipulations. L'os a été ensuite déminéralisé au formiate de sodium (ph 7,4) pendant 7 jours, rincé à l'eau courante pendant 12 heures, déshydraté dans des bains successifs d'alcool de degrés croissants, éclairci à l'histolemon, inclus en paraffine, coupé par des coupes sériées à 5 µm, et coloré à l'hématoxyline-éosine. Toutes les coupes histologiques ont été observées en microscopie optique.

La taille des particules a été mesurée sur des photographies. Le facteur du tube ( x 1,25), l'objectif ( x 10) et l'appareil photographique ( x 2) ont produit un rapport sur le négatif de x 25 (1,25 x 10 x 2). Par un réglage exact de l'agrandisseur à x 5, il a été obtenu un tirage sur papier normalisé à 12 x 18 cm. Ainsi, 1 mm mesuré sur le tirage photographique correspondait à 8 µm réels. Un champ a été choisi au hasard pour chacun des tubes d'os vibrés. Sur le champ photographique, toutes les particules ont été mesurées au millimètre le plus proche et selon leur plus grande dimension. Les particules situées sur les bords du champ et coupées par la photographie n'ont pas été comptées.

Les particules ont été réparties en différentes classes en fonction de leur taille. Les différences entre les répartitions des particules dans les différentes classes ont été analysées par le test statistique du Chi-2. Une probabilité inférieure à 5 % a été considérée comme significative pour rejeter l'hypothèse nulle.

Résultats

Aspect du « bone blend »

Le « bone blend » observé histologiquement s'est présenté sous la forme d'un mélange de fragments osseux de taille et de forme différentes, et de moelle osseuse désorganisée. La moelle elle-même contenait de nombreuses petites particules osseuses (fig. 2). Plus l'os était vibré, plus le « bone blend » paraissait homogène et plus l'espace interparticulaire était réduit. Les fragments osseux avaient un aspect polymorphe, mais on a souvent rencontré des fragments en forme d'« aiguille ». Les ostéoplastes étaient soit vides, soit contenant des ostéocytes rétractés aux noyaux pycnotiques. Plus l'os était vibré, plus il était déshabité (fig. 3).

Taille des particules

Plus de 5 000 particules osseuses ont été dénombrées et mesurées (5 058), 3 356 concernant le Dentomat® et 1 702 concernant le Silamat®. Un champ contenait en moyenne 144,5 particules. La distribution est exposée dans la (fig. 4).

Dentomat® : Après un premier examen de la distribution de leur taille, les particules ont été réparties dans les classes suivantes : 8 à 48 µm, 56 à 96 µm, 104 à 200 µm, et ≥ 208 µm (tableau I et fig. 5). Les plus petites particules (8 à 48 µm) étaient les plus nombreuses et représentaient respectivement 86,25 %, 64,60 %, 66,39 % et 64,69 % de l'effectif global pour des temps de vibration de 20, 30, 45 et 60 secondes.

Les particules ont été aussi classées en deux catégories : < 100 µm et > 100 µm. Les particules > 100 µm représentaient de 7,63 % à 14,21 % de l'effectif global, en fonction du temps de vibration. Le plus grand pourcentage était obtenu avec un temps de vibration de 30 secondes (tableau II et fig. 6).

Silamat® : Les particules ont été réparties dans les classes suivantes : 8 à 48 µm, 56 à 96 µm, 104 à 200 µm, 208 à 296 µm et ≥ 304 µm (tableau III et fig. 7). Les particules de 8 à 48 µm étaient aussi les plus nombreuses, représentant respectivement 69,16 %, 70,22 % et 77,26 % de l'effectif global pour des temps de vibration de 3, 5 et 10 secondes.

Les particules ont été aussi classées en catégories < 100 µm et > 100 µm. Les particules > 100 µm représentaient de 9,40 % à 15,68 % de l'effectif global. Le plus grand pourcentage était observé avec un temps de vibration de 5 secondes (tableau IV et fig. 6).

Les figures 8, 9, 10, 11, 12, 13 et 14 illustrent les résultats observés avec chacun des temps de vibration pour chaque appareil.

Discussion

L'os spongieux cryoconservé préparé par la technique du « bone blending » et observé histologiquement montrait différentes formes et tailles de fragments osseux, mélangés avec de la moelle osseuse contenant elle-même de très petites particules.

Les particules de 8 à 48 µm représentaient de 64,99 % à 86,25 % de l'effectif total, en fonction du type de vibreur à amalgame et du temps de vibration, alors que les particules > 100 µm représentaient 7,63 % à 15,68 %.

L'aspect du « bone blend » observé peut être comparé à celui de la figure de l'article publié par Diem et coll. (1972), bien que nous ayons utilisé de l'os spongieux cryoconservé. La cryoconservation ne modifie pas l'architecture osseuse, et seuls quelques ostéocytes rétractés ont été observés sur certains champs (Novakovitch et coll., 1984 ; Borghetti, 1991). On peut donc attribuer au malaxage l'observation de lacunes vides ou d'ostéocytes rétractés aux noyaux pycnotiques. Cependant, l'implantation d'un os presque acellulaire semble ne pas modifier la cicatrisation car les études histologiques (Rivault et coll., 1971 ; Coverly et coll., 1975 ; Hawley et Miller, 1975 ; Froum et coll., 1975b ; Hiatt et Schallhorn, 1978 ; Bowers et coll., 1982) sur la cicatrisation ont montré que l'os est rapidement déshabité et progressivement remplacé par de l'os néoformé.

Comparés à la seule étude (Zaner et Yukna, 1984) concernant la taille des particules du « bone blend », nos résultats sont légèrement différents. Parmi tous les matériaux de comblement évalués, Zaner et Yukna (1984) ont trouvé que les particules du bone blend étaient les plus petites, avec une longueur moyenne de 210,8 µm. Cette différence peut être expliquée de deux façons : ces auteurs ont utilisé de l'os intra-oral prélevé à la gouge, c'est-à-dire à la fois cortical et spongieux. Comme nous avons employé seulement de l'os spongieux, plus facile à malaxer (Diem et coll., 1972), nous avons obtenu de plus petites particules. D'autre part, ces auteurs ont mesuré un total de 80 particules, sans donner d'informations sur le type de vibreur et le temps de vibration. Dans la présente étude, toutes les particules reconnaissables sur le champ et > 8 µm ont été mesurées.

La taille des particules peut être un facteur déterminant dans le résultat de la thérapeutique, et varie considérablement en fonction de la méthode de prélèvement (Hancock, 1989). La taille optimale n'est pas bien définie mais il existe un consensus en faveur des petites particules, qui peuvent se résorber plus rapidement, présenter une plus grande surface développée, et augmenter l'ostéogenèse. Shapoff et coll. (1980) ont montré que les petites particules (100-300 µm) d'allogreffe d'os lyophilisé induisent plus de néoformation osseuse que les grosses particules (1 000-2 000 µm) chez le singe Rhésus. Pour Mellonig et Levy (1984), les particules de 250 à 1 000 µm d'allogreffe d'os lyophilisé ont un haut potentiel ostéogénique, par rapport à celles de moins de 250 µm. Jonck (1975) a rapporté que de petits fragments (12-25 µm) pourraient induire une ostéogenèse lorsqu'ils sont implantés sur des sites orthotopiques chez le singe Rhésus. Dans le « bone blend » d'os spongieux humain cryoconservé, les particules de 8 à 48 µm étaient les plus nombreuses, et on peut émettre l'hypothèse qu'elles sont rapidement résorbées pendant la cicatrisation, et qu'elles relâchent, avec la nécrose de la moelle, des substances ostéogéniques pour la stimulation des cellules de l'hôte (Shapoff et coll., 1980).

Une porosité minimale de 100 µm est nécessaire pour permettre la migration et la croissance des cellules, vaisseaux et os (Zaner et Yukna, 1984 ; Bobyn et coll., 1982). Ce principe a été démontré avec les greffes alloplastiques parce que l'espace interparticulaire dépend de la taille des particules, surtout lorsqu'elles sont fermement condensées et en contact les unes avec les autres. Les particules > 100 µm représentent un faible pourcentage dans le « bone blend » d'os spongieux cryoconservé, mais la présence de moelle maintient un certain espace interparticulaire, en particulier entre les plus importantes particules.

Les résultats de cette étude concernent le « bone blend » d'os spongieux humain cryoconservé, mais comme la cryoconservation ne modifie pas l'architecture osseuse, ils peuvent être comparables à ceux d'un « bone blend » d'os spongieux humain.

BIBLIOGRAPHIE

  • BOBYN JD, WILSON GJ, Mc GREGOR DC, PILLIAR RM, WEATHERLY GC. Effect of pore size on the peel strength of attachment of fibrous tissue to porous, surfaced implants. J Biomed Mater Res 1982;16:571-584.
  • BORGHETTI A, NOVAKOVITCH G, GARDELLA JP, LOUISE F, FOUREL J. Un protocole d'utilisation d'allogreffes osseuses en Parodontie : L'os spongieux cryoconservé. J Parodontol 1988;7:345-354.
  • BORGHETTI A. L'allogreffe d'os spongieux cryoconservé en Parodontie. Thèse. Marseille, 1991;47-51.
  • BORGHETTI A, NOVAKOVITCH G, LOUISE F, SIMEONE D, FOUREL J. Cryopreserved cancellous bone allograft in periodontal intra-osseous defects. J Periodontol 1993;64:128-132.
  • BOWERS GM, SCHALLHORN RG, MELLONIG JT. Histologic evaluation of new attachment in human intrabony defects. A literature review. J Periodontol 1982;53:509-514.
  • COVERLY L, TOTO PD, GARGIULO AW. Osseous coagulum : a hislologic evaluation. J Periodontol 1975;46:596-600.
  • DIEM CR, BOWERS GM, MOFFITT WC. Bone blending : a technique for osseous implants. J Periodontol 1972;43:295-297.
  • FROUM SJ, THALER R, SCOPP IW, STAHL SS. Osseous autografts. I. Clinical responses to bone blend or hip marrow grafts. J Periodontol 1975;46:515-521.
  • FROUM SJ, THALER R, SCOPP IW, STAHL SS. Osseous autografts. II. Histological responses to osseous coagulum-bone blend grafts. J Periodontol 1975;46:656-661.
  • FROUM SJ, ORTIZ M, WILKIN RT, THALER R, SCOPP IW, STAHL SS. Osseous autografts. III. Comparison of osseous bone coagulum-bone blend implants with open curettage. J Periodontol 1976;47:287-294.
  • HANCOCK EB. Regeneration procedures. Consensus Report. In : Nevins H, ed. Periodontics Chicago : American Academy of Periodontology, 1989:VI-22.
  • HAWLEY CE, MILLER J. A histologic examination of a free osseous autograft. Case report. J Periodontol1975;46:289-293.
  • HIATT WH, SCHALLHORN RG. Intra-oral transplants of cancellous bone and marrow in periodontal lesions. J Periodontol 1973;44:194-199.
  • HIATT WH, SCHALLHORN RG, AARONIAN AJ. The induction of new bone and cementum formation. IV. Microscopic examination of the periodontium following human bone and marrow allograft, and non graft regenerative procedures. J Periodontol 1978;49:495-512.
  • JONCK LM. Bone induction effect of fine bone shavings in polyester fiber. S Afr Med J 1975;49:697-702.
  • MELLONIG JT, BOWERS GM, BAILEY RC. Comparison of bone graft materials. Part. I : New bone formation with autografts and allografts determined by strontium 85. J Periodontol 1981;52:291-296.
  • MELLONIG JT, BOWERS GM, COTTON WR. Comparison of bone graft materials. Part. II : New bone formation with autografts and allografts : A histological evaluation. J Periodontol 1981;52:297-302.
  • MELLONIGJT, LEVY RA. The effect of different particle size of freeze-dried bone allograft on bone growth. IADR 1984 (abstr. 461).
  • NABERS CL, O'LEARY TJ. Autogenous bone transplants in the treatment of osseous defects. J Periodontol 1965;36:511-516.
  • NOVAKOVITCH G, GARBE L, POITOUT D, COTTE G. Etude anatomo-pathologique de la structure osseuse décongelée en fonction du cryoprotecteur et de la vitesse de descente en température. Innov Techn Biol Méd 1984;5:1-9.
  • RIVAULT AF, TOTO PD, LEVY S, GARGIULO AW. Autogenous bone grafts : osseous coagulum and osseous retrograde procedures in primates. J Periodontol 1971;42:787-791.
  • ROBINSON RE. Osseous coagulum for bone induction. J Periodontol 1969;40:3-9.
  • ROSENBERG MM. Free osseous tissue autografts as a predictable procedure. J Periodontol 1971;42:195-201.
  • SHAPOFF CA, BOWERS GM, LEVY B, MELLONIG JT, YUKNA RA. The effect of particle size on the osteogenic activity of composite grafts of allogenic freeze-dried bone and autogenous marrow. J Periodontol 1980;51:625-630.
  • ZANER DJ, YUKNA RA. Particle size of periodontal bone grafting materials. J Periodontol 1984;55:406-409.