Impact des données épidémiologiques sur les stratégies thérapeutiques en parodontie - JPIO n° 2 du 01/05/2000
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 2 du 01/05/2000

 

Articles

Anders HUGOSON *   Lars LAURELL **  


*Department of Periodontology
The Institure for Postgraduate Dental Education
Jönköping, Sweden
**Department of Periodontology
Faculty of Odontology
Göteborg University
Göteborg, Sweden

Introduction

Il existe plusieurs définitions de l'épidémiologie. Selon Hennekens et Buring (1987), l'épidémiologie est « l'étude de la distribution et des déterminants d'une maladie au sein des populations humaines ». Pour Burt et Eklund (1992), il s'agit de « l'étude de la santé et des maladies au sein des populations et la façon dont ces états sont...


Résumé

Cet article synthétise les résultats d'études épidémiologiques importantes dans la stratégie thérapeutique parodontale. Les données concernent l'étiologie et la pathogénie des gingivites et des parodontites, la prévalence des atteintes parodontales sévères, les évaluations à long terme des changements dans la prévalence des gingivites et des maladies parodontales, le taux de progression au niveau individuel ou d'un site et les facteurs de risque pour les maladies parodontales. Les implications cliniques de ces études dans la pratique parodontale quotidienne sont discutées. Leurs résultats montrent que :

- la prévalence et l'étendue des destructions parodontales augmentent avec l'âge et avec une hygiène orale inadaptée ;

- la plupart des sujets ayant un niveau d'hygiène standard ont peu de risque de développer une gingivite ou une maladie parodontale destructrice ;

- la destruction parodontale est une maladie infectieuse déclenchée et entretenue par les bactéries supra-gingivales et sous-gingivales ;

- la destruction parodontale débute par une inflammation de la gencive et peut, en l'absence de traitement, s'étendre chez certains individus et/ou sur certains sites jusqu'à gagner les tissus parodontaux les plus profonds ;

- le taux de progression est en général lent (environ 0,1 mm/an), le support osseux diminuant graduellement même en l'absence de maladie ;

- les maladies parodontales sévères ne concernent qu'une faible proportion de la population. Cependant, environ 80 % de la population adulte présente une perte osseuse de 2 à 3 mm localisée au niveau de quelques sites ;

- certains facteurs locaux (plaque, poches parodontales profondes), iatrogènes et systémiques (âge, tabac, diabète insulinodépendant) sont considérés comme des facteurs de risque.

D'un point de vue éthique, tout être humain devrait avoir le droit d'être en bonne santé ou, du moins, de recevoir l'information nécessaire à cela, ce qui signifie qu'un diagnostic, un programme de prévention et un traitement corrects et adaptés devraient être proposés à l'ensemble de la population ou à chaque patient qui consulte. Un programme d'entretien devrait également être organisé en fonction des facteurs de risque individuels.

L'implication clinique des résultats de ces études est que les évaluations des besoins en traitements parodontaux doivent non seulement inclure des critères diagnostiques cliniques précis mais aussi et surtout être reliés aux buts à atteindre au niveau de la société, de la population (par exemple, groupes de praticiens privés) et de l'individu. Par conséquent, l'examen parodontal devrait faire partie intégrante de tout examen dentaire régulier afin de détecter les signes précoces d'une destruction parodontale et de mettre en place une thérapeutique adaptée. L'examen parodontal de routine devrait comprendre l'évaluation des facteurs de risque locaux (indice de plaque visible 2 ou 3 de Silness et Löe, profondeur de poche au sondage supérieure à 4 mm, niveau osseux radiographique et morphologie de la lésion), des facteurs iatrogènes (obturations débordantes, restaurations inadaptées), des facteurs systémiques (âge, tabac, diabète) et des facteurs de risque comportementaux (respect des visites d'entretien) afin de déterminer les besoins et les choix thérapeutiques.

Le but principal du traitement parodontal devrait être de restaurer la santé parodontale et, grâce à un programme d'entretien personnalisé en fonction de l'évaluation du risque individuel, de conserver cet état de santé et/ou de prévenir la récidive.

Un indice de plaque inférieur à 20 %, une réduction efficace et stable de la profondeur de poche et l'absence de saignement au sondage sont considérés comme compatibles avec la santé parodontale et devraient donc être les objectifs à atteindre. Il est possible de déterminer le facteur de taux de perte osseuse en corrélant le niveau osseux d'un site donné à l'âge du patient. La valeur de ce niveau calculée pour chaque site dentaire critique à 30, 35, 40... et 70 ans permet de déterminer les besoins thérapeutiques nécessaires pour maintenir un niveau osseux résiduel de 40 %. Ce modèle, fondé sur les résultats d'études épidémiologiques, peut également être utilisé pour évaluer les besoins en traitement parodontal au niveau de la population. En raison de la lenteur du taux de progression des maladies parodontales chez la plupart des individus, les soins d'entretien chez les patients à faible risque peuvent être assurés avec une fréquence annuelle, alors que les patients à haut risque devraient être contrôlés plusieurs fois par an.

Introduction

Il existe plusieurs définitions de l'épidémiologie. Selon Hennekens et Buring (1987), l'épidémiologie est « l'étude de la distribution et des déterminants d'une maladie au sein des populations humaines ». Pour Burt et Eklund (1992), il s'agit de « l'étude de la santé et des maladies au sein des populations et la façon dont ces états sont influencés par l'hérédité, la biologie, l'environnement physique, l'environnement social et le mode de vie ».

L'épidémiologie est un élément clé dans l'étude de la santé buccale et devrait être considérée comme un instrument essentiel pour l'analyse des besoins en soins dentaires d'une population, pour la détermination des mesures appropriées, pour l'évaluation des soins prodigués et, par conséquent, pour l'amélioration de leur qualité.

Dans les années 60 et 70, la prévalence des maladies parodontales était exprimée en termes de fréquence, d'incidence et de sévérité ou d'étendue, en fonction d'indices ou d'échelles qui quantifiaient la destruction. Cependant, grâce à l'enregistrement assisté par ordinateur des variables cliniques et radiographiques (plaque, gingivite, profondeur de poche au sondage, perte d'attache, perte osseuse), il est possible d'utiliser ces mêmes données dans les enquêtes épidémiologiques dont les résultats peuvent, dès lors, être directement utilisés dans la stratégie thérapeutique quotidienne tant au niveau de la population qu'à celui de l'individu.

Dans les études épidémiologiques où les variables choisies pour décrire la santé buccale sont exprimées en valeurs moyennes, la minorité de la population où la prévalence de la maladie est la plus élevée peut ne pas être détectée. Ceci est un élément important à considérer lors de l'interprétation des résultats des études épidémiologiques pour la détermination des soins dentaires futurs. Le personnel de santé devrait donc être capable de reconnaître toute déviation par rapport aux normes et de rechercher les facteurs sous-jacents.

Étiologie et pathogénie des gingivites et des maladies parodontales

Les concepts actuels concernant l'étiologie et la pathogenèse des maladies parodontales sont issus en grande partie des résultats d'études épidémiologiques. Il y a environ 10 ans, ces résultats ont été utilisés pour démontrer que la destruction parodontale débutait par une gingivite chez l'enfant ou l'adolescent, affectait à différents degrés l'ensemble des adultes de plus de 40 ans et progressait lentement pour concerner aussi la population âgée (Ainamo, 1983). Ce concept d'évolution lente a depuis été abandonné. Les résultats des études épidémiologiques réalisées au cours des années 80 et 90 montrent que la prévalence et l'importance des destructions parodontales augmentent avec l'âge et une hygiène inadaptée. La maladie est alors considérée comme une maladie infectieuse, associée à la plaque bactérienne, déclenchée et entretenue par la présence de bactéries supra-gingivales et sous-gingivales qui colonisent les dents et les surfaces radiculaires. L'atteinte parodontale commence par une inflammation de la gencive qui peut, en l'absence de traitement, se propager aux tissus plus profonds du parodonte chez certains patients et/ou sur certains sites.

Maladie parodontale sévère

Des études épidémiologiques croisées et longitudinales récentes sur la progression de la maladie ont montré que les destructions sévères n'affectent qu'une faible proportion de la population, même si la prévalence augmente après 50 ans (Baelum et al., 1988 ; Hugoson et Jordan, 1982 ; Hugoson et al., 1992 ; Löe et al., 1986 ; Okamoto et al., 1988 ; Papapanou et al., 1988 ; Papapanou et al., 1989 ; Salonen et al., 1991).

Évaluation à long terme des changements dans la prévalence des gingivites et des maladies parodontales

Dans une série d'études épidémiologiques entreprises à partir de 1973, la répartition des maladies parodontales au sein de la population adulte suédoise a été évaluée sur une période de 20 ans (Hugoson et al., 1998a et b). Des études croisées ont été réalisées à Jönköping en 1973, 1983 et 1993. Les individus étaient choisis au hasard dans des groupes d'âge de 20, 30, 40, 50, 60 et 70 ans. A partir des données cliniques et radiographiques, ils ont été répartis en 5 groupes en fonction de la sévérité de la destruction parodontale, soit groupe 1 : parodonte sain ; groupe 2 : gingivite sans signes de perte osseuse ; groupe 3 : perte osseuse modérée inférieure au tiers de la hauteur normale ; groupe 4 : perte de la moitié ou des deux tiers de la hauteur osseuse normale ; groupe 5 : perte de plus des deux tiers du support osseux avec lésions angulaires et/ou interradiculaires. Au cours des 20 années de suivi, le nombre d'individus des groupes 1 et 2 a augmenté pour passer de 49 % en 1973 à 60 % en 1993. Par ailleurs, celui du groupe 3 a diminué alors que dans les groupes 4 et 5, il est resté stable entre 1983 et 1993 (13 %) (fig. 1). Des changements comparables ont été observés dans des études croisées réalisées aux États-Unis (US Public Health Service, 1987). Donc, en dépit d'une amélioration globale de la santé parodontale, la même proportion de la population continue de présenter des destructions parodontales sévères. Il n'est pas possible aujourd'hui de prévoir qui ces destructions toucheront bien que certains facteurs de risque aient été identifiés.

Taux de progression de la destruction parodontale au niveau d'un site ou d'un patient

Les études longitudinales sur la progression des parodontites naturelles chez l'homme suggèrent que le taux de destruction est lent chez la plupart des individus quel que soit le site atteint (Albander, 1990 ; Albander et al., 1986 ; Buckley et Crowley, 1984 ; Lavstedt et al., 1986 ; Lindhe et al., 1983 ; Lindhe et al., 1989 ; Papapanou et al., 1989 ; Wennström et al., 1993), même en l'absence de soins dentaires (Buckley et Crowley, 1984 ; Löe et al., 1986).

Dans l'étude suédoise réalisée à Jönköping, tous les patients dentés âgés de 15 à 60 ans lors du premier examen en 1973 ont subi un nouvel examen 17 ans plus tard. Les indices de plaque et de gingivite au niveau de l'ensemble de la cavité buccale, la profondeur de poche au sondage et les mesures radiographiques du niveau osseux ont été enregistrés. Dans tous les groupes d'âge, le niveau d'hygiène orale était très élevé avec plus de 50 % des individus présentant des indices de plaque inférieurs à 20 %. Une réduction du support osseux a été observée à partir de 20 ans, progressant à un rythme de 0,1 mm/an (fig. 2). Quelques individus seulement ont connu une perte osseuse moyenne de 2 à 3 mm ou plus au cours des 17 années et la majorité des sites est restée relativement stable (fig. 3). En fait, seuls 6,2 % de l'ensemble des sites examinés (15 641 sites) montraient une perte osseuse de 2 à 3 mm ou plus (fig. 4). Cependant, 80 % de la population de plus de 30 ans présentaient au moins de 1 à 5 sites avec une perte osseuse de 2 à 3 mm ou plus. Ces observations sont en accord avec celles de Lavstedt , Wennström et Ship et Beck (1996).

La destruction parodontale est aujourd'hui considérée comme fonction du sujet. Seuls quelques individus subiront une perte importante du support parodontal au niveau de plusieurs dents. A l'heure actuelle, nous ne comprenons pas pourquoi, chez la plupart des individus, l'inflammation reste localisée aux tissus gingivaux alors que chez les autres, elle entraîne une destruction parodontale progressive avec perte de l'attache conjonctive et du support osseux. Cette destruction peut être localisée (quelques sites touchés seulement) ou généralisée. Néanmoins, la plupart des patients ayant une hygiène orale satisfaisante risquent peu de développer une gingivite ou une maladie parodontale destructrice.

Facteurs de risque des maladies parodontales

Le fait que certains individus sont plus sensibles que d'autres aux atteintes parodontales a stimulé les recherches visant à identifier les sujets à risque et les facteurs de risque qui les rendent plus vulnérables. Des études croisées et longitudinales, utilisant des modèles statistiques à variables multiples, ont été réalisées afin de mettre en évidence des corrélations entre, d'une part, les facteurs de risque et la présence d'une destruction parodontale sévère et, d'autre part, la progression de la maladie (Beck et al., 1990 ; Brown et al., 1994 ; Grossi et al., 1995 ; Haffajee et al., 1991 ; Ismail et al., 1990 ; Locker et Leake, 1993 ; Norderyd et Hugoson, 1998 ; Norderyd et al., 1999 ; Oliver et al., 1991 ; Papapanou et al., 1989 ; Papapanou et Wennström, 1991 ; Tervonen et al., 1991). Le sexe masculin, l'âge avancé, un faible statut socio-économique ou un niveau d'éducation peu élevé, le diabète, le stress, le tabac et la présence de certaines bactéries dans la plaque sous-gingivale ont été associés à des destructions parodontales sévères dans plusieurs études. Les associations observées dans les études croisées n'établissent pas de relations causales ou temporelles, mais soulignent des facteurs qui peuvent être des indicateurs de risque (Genco, 1996). Afin d'évaluer parfaitement l'importance de ces facteurs et de déterminer si ce sont des facteurs de risque réels, des recherches longitudinales doivent être entreprises. Elles devront inclure des échantillons pris au hasard afin de déterminer la cause de la maladie chez les individus ayant ces indicateurs de risque et de la comparer à celle des patients qui ne présentent pas ces indicateurs (Locker et al., 1998).

L'association entre l'âge et la parodontite a été remise en question car des groupes d'âge différents ont évolué dans des environnements différents et présentent divers degrés d'atteinte (Ainamo et Ainamo, 1996). La prévalence importante des maladies parodontales chez les sujets âgés peut s'expliquer par le fait que les patients inclus dans les études récentes ont plus de dents résiduelles que ceux des études antérieures (Fox et al., 1994). Ceci a également été observé dans les études de Jönköping de 1973, 1983 et 1993 : les patients de plus de 70 ans avaient en moyenne 5 dents résiduelles de plus en 1993 qu'en 1973 (Hugoson et al., 1998a et b). En outre, les dents présentant des atteintes parodontales semblent être plus fréquemment conservées aujourd'hui qu'autrefois chez le patient âgé.

De nombreuses études ont démontré que parmi tous les facteurs de risque identifiés, le tabac est le facteur de risque environnemental le plus fortement associé aux maladies parodontales sévères (Bergström, 1989 ; Grossi et al., 1994 ; Magnusson et Walker, 1996 ; Norderyd et al., 1999 ; Page et Beck, 1997). Cette corrélation subsiste même après pondération avec d'autres facteurs tels que niveau d'hygiène, sexe, âge, éducation et statut socio-économique. Plusieurs études réalisées chez l'adulte ont démontré que le diabète insulinodépendant faisait augmenter le nombre de destructions parodontales sévères (Belting et al., 1964 ; Campbell, 1972 ; Genco et Löe, 1993 ; Hugoson et al., 1989 ; Sznajder et al., 1978 ; Tervonen et Knuuttila, 1986 ; Thorstensson, 1995). Elles ont mis en évidence la modification de la susceptibilité à la maladie et/ou sa progression. Même s'il n'existe pas, à l'heure actuelle, un consensus sur la cause de cette sensibilité particulière, les patients diabétiques insulinodépendants constituent un important groupe à risque.

Bien que la plaque supra-gingivale soit essentielle dans le déclenchement des parodontites de l'adulte, la corrélation réelle entre son niveau et la progression longitudinale de la destruction s'est révélée être plutôt faible (Kornman et Löe, 1993 ; Lindhe et al., 1989). Cependant, dans l'étude de Jönköping, la plaque reste associée aux destructions osseuses sévères de façon significative (Norderyd et Hugoson, 1998). Jusqu'à présent, les études n'ont pas identifié de niveau critique maximal de plaque compatible avec le maintien de la santé parodontale (Lang et Tonetti, 1996). Des poches parodontales de plus de 4 mm ont également été associées à la progression des destructions parodontales sévères (Badersten et al., 1990 ; Claffey et al., 1990 ; Locker et al., 1998 ; Norderyd et Hugoson, 1998). Cependant, ce n'est pas la poche en soi ou la profondeur en elle-même qui constitue le facteur de risque mais ce qu'elles représentent en termes de micro-organismes, tartre sous-gingival, inflammation et/ou existence d'une destruction parodontale et d'un traitement antérieurs (Lang et Tonetti, 1996 ; Locker et al., 1998).

Conclusion

- La prévalence et l'importance de la destruction parodontale augmentent avec l'âge et une hygiène buccale inadaptée.

- A l'opposé, la plupart des personnes ayant une hygiène orale standard ont peu de risque de développer une gingivite ou une maladie parodontale destructrice.

- Les maladies parodontales sont des maladies infectieuses déclenchées et entretenues par la flore bactérienne supra-gingivale et sous-gingivale.

- La destruction parodontale commence par une inflammation de la gencive et peut, en l'absence de traitement, s'étendre et intéresser les tissus plus profonds du parodonte, chez certains individus et/ou sur certains sites.

- En général, le taux de progression est lent (0,1 mm/an) et on observe une perte graduelle du support osseux même en l'absence de pathologie.

- La maladie parodontale sévère n'affecte qu'une faible proportion de la population. Néanmoins, 80 % de la population adulte présente une perte osseuse de plus de 2 ou 3 mm au niveau d'au moins quelques sites.

- Des facteurs locaux (plaque, profondeur de poche augmentée), iatrogènes et systémiques (âge, tabac, diabète insulinodépendant) constituent des facteurs de risque.

Éthique et inégalité dans l'accès aux soins parodontaux

L'introduction du livre du Bureau régional européen de l'OMS (WHO Europe, 1998), Les faits concrets, énonce : « Même dans les pays les plus riches, les plus nantis vivent plus longtemps et ont moins de maladies que les pauvres. Ces différences dans l'état de santé sont des injustices sociales importantes et traduisent l'une des influences majeures du monde moderne sur la santé. Les modes de vie et les conditions dans lesquelles les personnes vivent et travaillent ont un impact certain sur l'état de santé et l'espérance de vie. » Plus loin, il est aussi noté : « C'est la responsabilité de chacun de manger sainement, de faire suffisamment de sport, de ne pas fumer ou de limiter sa consommation d'alcool. Néanmoins, nous connaissons aujourd'hui l'impact des conditions socio-économiques sur la santé et ces éléments sont souvent hors de la portée du contrôle individuel. » Chaque être humain devrait être en droit d'être en bonne santé ou, du moins, de recevoir toute l'information nécessaire à cela. En Suède par exemple, il est stipulé que la santé et les soins dentaires doivent être accessibles à toute la population indépendamment de l'âge, du sexe, de l'origine éthnique ou autres considérations sociales. Des études épidémiologiques évaluant les conditions buccales et l'utilisation des soins au sein de la population sont nécessaires pour déterminer la réalisation de ces droits. Les exigences légales devraient être interprétées non seulement selon l'avis de la profession dentaire mais surtout selon l'opinion subjective des patients et la satisfaction concernant la santé buccale et l'accès aux soins dentaires. Cela implique que la population dans son ensemble ou chaque patient qui consulte devrait bénéficier d'un bon diagnostic, de mesures de prévention et d'un traitement adapté en fonction du choix du patient et de sa coopération. Le programme d'entretien devrait également être établi après détermination du facteur de risque individuel.

Conséquences cliniques des études épidémiologiques dans la pratique quotidienne

La détermination des besoins en traitement parodontal doit non seulement inclure des critères diagnostiques cliniques bien définis mais aussi être fonction des objectifs à atteindre en ce qui concerne la santé parodontale au niveau de la société, de la population (par exemple, groupes de praticiens privés) et de l'individu.

Les études épidémiologiques croisées et longitudinales ont montré qu'il existait une perte progressive du support osseux avec l'âge, même en l'absence de maladie. Ainsi, 95 % des personnes de plus de 70 ans ont un support osseux résiduel supérieur ou égal à 40 % de la hauteur radiculaire (Hugoson et Laurel, 2000 ; Papapanou et al., 1988 ; Papapanou et al., 1989 ; Salonen et al., 1991).

La figure 2 montre les valeurs moyennes de la hauteur osseuse (intervalle de confiance de 95 %) exprimée en pourcentage de la longueur radiculaire dans différents groupes d'âge (Hugoson et Laurel, 2000). Ces données pourraient servir de référence dans la détermination des buts à atteindre à long terme pour le maintien de la santé parodontale.

Si environ 15 % de la population présente une destruction parodontale sévère au cours de 17 années d'observation, 80 % de la population de plus de 30 ans a au moins de 1 à 5 sites présentant des pertes osseuses de 2 à 3 mm (Hugoson et Laurel, 2000). Puisque l'anamnèse ne permet pas de prévoir la survenue ou la localisation de ces destructions (Hugoson et Laurel, 2000 ; Lindhe et al., 1983), l'examen du parodonte devrait faire partie intégrante de tout contrôle dentaire régulier afin de détecter les premiers signes de destruction et mettre en place une thérapeutique adaptée.

L'examen parodontal de routine devrait répertorier :

- les indices locaux tels que présence de plaque visible (indices 2 et 3 de Silness et Löe), profondeurs de poche au sondage de plus de 4 mm, saignement au sondage, déterminations radiographiques du niveau osseux et morphologie de la lésion si nécessaire ;

- les facteurs iatrogéniques, à savoir restaurations débordantes ou inadaptées ;

- les facteurs de risque systémiques (âge, tabac, diabète insulinodépendant) ;

- les facteurs de risque comportementaux tels que non-respect du programme d'entretien.

La prise en compte de l'ensemble de ces facteurs permet de déterminer les besoins et les choix thérapeutiques.

Le but principal du traitement parodontal devrait être de restaurer la santé parodontale, la maintenir ou prévenir toute récidive à l'aide d'un suivi adapté fondé sur l'évaluation du risque. Des indices de plaque totaux inférieurs à 20 %, une réduction stable de la profondeur des poches et l'absence de saignement au sondage sont compatibles avec la santé parodontale et devraient être les objectifs thérapeutiques à atteindre. Néanmoins, puisque le saignement au sondage et la présence de poches résiduelles ne sont que de faibles indicateurs d'une future perte d'attache, le respect de ces objectifs peut conduire à un surtraitement (Badersten et al., 1990 ; Claffey et al., 1990 ; Lang et Tonetti, 1996). Wennström ont proposé un modèle de prise de décisions dans la détermination des besoins thérapeutiques dans lequel le niveau osseux radiographique réel est corrélé à l'âge du patient et au niveau osseux présumé à 75 ans. Une ligne de régression est tracée entre le niveau osseux à 25 ans (100 %) et le niveau osseux supposé être atteint à 75 ans (40 %). En considérant la valeur du niveau osseux réel du patient, il est possible de calculer le taux de perte osseuse. Les valeurs du niveau osseux calculées pour chaque site critique à 30, 35, 40... et 70 ans permettent de déterminer les besoins thérapeutiques afin d'assurer un maintien de 40 % du support osseux (fig. 5). Ce modèle de prise de décisions au niveau d'un site peut également être utilisé pour évaluer les besoins thérapeutiques de la population tout entière (Wennström et al., 1990). En raison de la lenteur du taux de progression des maladies parodontales chez la plupart des individus, les soins d'entretien peuvent être assurés selon une périodicité de 1 an ou plus. En revanche, les patients à haut risque devraient être contrôlés plusieurs fois par an.

Demande de tirés à part

Anders HUGOSON, Public Dental Service Administration, PO Box 1024, SE-551 11 JÖNKÖPING - SWEDEN.

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