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Palle HOLMSTRUP * Nils-Erik FIEHN **
*University of Copenhagen
School of Dentistry
Copenhagen, Denmark
L'influence d'un certain nombre de maladies systémiques sur le parodonte est bien établie.
Ces maladies sont : le diabète sucré, les déficiences des neutrophiles, la neutropénie, les immuno-déficiences, etc. (Kinane et Davies, 1990 ; Holmstrup et Westergaard, 1998). Nos connaissances sont encore insuffisantes sur l'influence de la maladie parodontale sur l'état général. Mais,...
L'influence sur le parodonte de nombreuses maladies systémiques est aujourd'hui établie, alors que l'impact de la maladie parodontale sur l'état général n'est pas encore prouvé.
Au cours des dix dernières années, la relation entre la pathogénie de nombreuses maladies systémiques et l'infection parodontale a pu être établie sur des preuves scientifiques variables. Ces maladies sont : les affections cardio-vasculaires, l'endocardite infectieuse, les infections respiratoires, la polyarthrite rhumatoïde, le diabète sucré et l'abcès du cerveau. Le but de cet article est de passer en revue les preuves les plus récentes et de démontrer l'influence de la maladie parodontale sur les maladies systémiques, en insistant sur les maladies cardio-vasculaires, l'endocardite infectieuse et les infections respiratoires.
En conclusion, la relation entre la maladie respiratoire et l'affection cardio-vasculaire s'appuie sur plusieurs études épidémiologiques, mais une recherche plus approfondie est nécessaire pour confirmer et bien comprendre cette association. On a démontré que les bactéries de la plaque dentaire sont les agents responsables de l'endocardite infectieuse chez certains patients. Des associations entre infections respiratoires et maladies parodontales ont été trouvées, mais des études ultérieures doivent les confirmer. L'éventuelle participation de l'infection parodontale dans la pathogénie du diabète sucré, de la polyarthrite rhumatoïde et de l'abcès du cerveau est évidente mais d'autres travaux scientifiques doivent être réalisés pour confirmer sa réalité et les données pathogéniques.
L'influence d'un certain nombre de maladies systémiques sur le parodonte est bien établie.
Ces maladies sont : le diabète sucré, les déficiences des neutrophiles, la neutropénie, les immuno-déficiences, etc. (Kinane et Davies, 1990 ; Holmstrup et Westergaard, 1998). Nos connaissances sont encore insuffisantes sur l'influence de la maladie parodontale sur l'état général. Mais, au cours de la dernière décennie, de nombreuses études suggèrent que l'état de santé général peut être plus altéré par les maladies parodontales qu'on a pu le penser auparavant (Seymour et Steele, 1998 ; Recherche et comité des sciences et de traitement de l'Académie américaine de parodontologie, 1998 ). Cette revue de littérature présente les données sur l'influence de la maladie parodontale sur les affections systémiques en insistant sur la maladie cardio-vasculaire (MCV), l'endocardite bactérienne (EI) et les infections respiratoires (IR). Si les maladies graves, mettant en danger la vie des patients, sont induites par les maladies parodontales, il est évident que le traitement parodontal est encore beaucoup plus important que nous ne le savions.
La MCV associée à l'artériosclérose entraîne une thrombose coronarienne, des ischémies cardiaques et un infarctus. Ce sont les causes principales de décès dans le monde occidental (Becker, 1995 ; Whelton, 1995 ; Braunwald, 1997 ; Breslow, 1997 ; Ecole de santé publique de Harvard, 1997). L'artériosclérose est provoquée par la formation de plaques d'athéromes à l'intérieur des artères lésées, de section moyenne ou grande. Ces plaques sont composées de cholestérol et d'autres lipides, ainsi que des cellules nécrosées, de la fibrine et du fibrinogène qui induisent des caillots. Ces caillots peuvent provoquer l'occlusion du vaisseau in situ, après clivage, et entraînent le pincement d'autres vaisseaux aboutissant à un infarctus plus loin. De nombreuses études ont associé parodontites et MCV sur la base d'études épidémiologiques. Quatre de ces études sont finlandaises. L'une de ces études compare l'état général de la denture (l'évaluation se faisant sur le nombre des caries, la profondeur de la poche, les lésions péri-apicales et la péricoronarite) sur 100 patients ayant récemment subi un infarctus aigu du myocarde et des contrôles appariés sur l'âge et le sexe. D'autres facteurs de risque, comme le cholestérol sérique, les triglycérides, la haute densité de concentration en cholestérol lipoprotéinique, l'hypertension et d'autres infections ainsi que le tabac et la situation économique, ont été enregistrés (Mattila et al., 1989).
Dans le groupe infarctus aigu du myocarde, l'état de la santé bucco-dentaire était significativement plus bas que dans le groupe contrôle. Une analyse de régression montrait que cette association était indépendante du taux de cholestérol, des triglycérides, de l'hypertension, de la présence de diabète, du tabac et de l'âge.
Une autre étude finlandaise montre une corrélation significative entre la prévalence de l'infection parodontale/ péri-apicale et le degré d'artériosclérose chez l'homme (Mattila et al., 1993). Cette étude est réalisée à l'aide des examens radiographiques de la cavité buccale et d'angiographies coronariennes sur 12 femmes et 12 hommes présentant des maladies coronariennes (MC). Dans une analyse multivariée, d'autres facteurs de MC sont pris en compte, comme le profil lipidique, la masse corporelle, l'hypertension, le tabac, l'âge et les conditions socio-économiques. Une association indépendante entre les infections dentaires et la sévérité de l'artériosclérose coronarienne est observée.
Une étude croisée finlandaise (Paunio et al., 1993), prenant en compte 1 384 hommes âgés de 45 à 64 ans, montre une association significative entre l'absence de dents et la maladie coronarienne. Dans un modèle multivarié pour les MC, dans lequel sont inclus le tabac et d'autres variables, le tabac est un facteur de risque lorsque les dents absentes sont prises en compte.
Une quatrième étude finlandaise suit, sur 7 ans, 214 patients (182 hommes et 32 femmes) présentant une atteinte des artères coronaires. Dans cette étude, la santé bucco-dentaire est un facteur significatif de prévisibilité de nouveaux problèmes coronaires. D'autres facteurs de risque de MC supplémentaires comprenaient le nombre d'infarctus anciens et l'histoire du diabète sucré (Mattila et al., 1995).
D'autres preuves ont été apportées pour confirmer la relation existant entre les maladies dentaires et les maladies cardio-vasculaires dans une étude sur une population de 9 760 individus âgés de 25 à 74 ans (De Stefano et al., 1993).
Après un examen médical et dentaire habituel, les individus étaient suivis pendant 1 an. En tenant compte des autres facteurs de risque individuels, tous ceux qui avaient une parodontite présentaient un risque accru de 25 % par rapport à ceux qui n'en avaient pas ou avaient une parodontite légère. Cependant, la parodontite augmente le risque de maladie cardio-vasculaire de 70 % chez les hommes de 25 à 49 ans. On a établi une corrélation entre un mauvais contrôle de plaque et le risque accru de maladie parodontale.
Dans une étude (Beck et al., 1996) incluant 1 147 hommes suivis pendant 18 ans, les auteurs ont montré que, pour 18 % des individus, une MC (angine de poitrine, infarctus du myocarde fatal ou pas) s'est déclarée. Les patients dont plus de la moitié des dents présentaient des poches de plus de 3 mm au sondage avaient un risque deux fois plus important, tout en tenant compte des autres facteurs de risque de MC. Les patients dont les poches dépassaient 3 mm de profondeur sur toutes les dents avaient un risque de 3,1. Pour les patients dont la perte osseuse initiale dépassait 20 %, le risque d'infarctus avait un odds ratio de 2,8 en tenant compte des autres facteurs de risque. Une étude, réalisée sur 44 119 hommes professionnels de santé sur 6 ans, montrait une association positive entre les MCV et la perte dentaire due aux maladies parodontales, le risque relatif étant de 1,67 en tenant compte des facteurs de risque habituels (Joshipura et al., 1996).
L'analyse des études démontre une association avec une incidence de MC accrue, en particulier chez des hommes de moins de 60 ans, mais les conclusions épidémiologiques se réfèrent essentiellement à des études sur des sujets mâles. De plus, certaines études n'avaient pas pour but de déterminer le rôle de la maladie parodontale ; la perte dentaire et d'autres données ne servaient qu'à décrire l'état buccal général. Quand la MCV n'était pas spécifiquement liée à la parodontite, le rôle de cette maladie est évidemment inconnu. Bien que certaines études incluses ici aient pris comme critères certains facteurs de risque de MCV, d'autres ne sont pas pris en compte comme facteurs déterminants (Genco et al., 1999). Par conséquent, il est nécessaire d'être prudent sur l'interprétation du rôle de la santé buccale. Seymour et Steele (1998) ont, par ailleurs, établi qu'il était possible que la présence de maladies parodontales soit, en fait, simplement un moyen efficace de résumer des variables de santé dentaire et d'hygiène de vie.
Afin de démontrer une association entre la parodontite et les MCV, il est important de comprendre comment un éventuel mécanisme pathogène peut contribuer aux MCV. Bien que de tels mécanismes ne soient pas clairement définis, plusieurs cheminements semblent possibles. Les bactéries buccales peuvent intervenir directement dans la pathogenèse des MCV. La parodontite prédispose à une incidence accrue de bactériémie (Silver et al., 1977) qui résulte souvent des activités quotidiennes, telles que la mastication et des règles d'hygiène dentaire (Guntheroth, 1984). Il s'ensuit que l'interactivité entre les bactéries buccales résultant de bactériémie et des plaquettes peut jouer un rôle dans les MCV. Une des principales bactéries parodontales, Porphyromonoas gingivalis (P.g.), peut être la cause d'une agrégation des plaquettes et donc être associée à la formation de thrombi (Emrich et al., 1991). Cette conclusion est importante car P.g. a été découverte dans des athéromes coronariens et carotidiens (Chin, 1999). De plus, les plaquettes semblent se lier à des souches de Streptococcus sanguis (S.s), composant commun de la plaque supragingivale, provoquant la formation de thrombi (Herzberg et al., 1983). Un rôle possible de S.s. dans les MCV a également été démontré par des études effectuées sur des lapins qui ont reçu des injections intraveineuses de souches de S.s. ayant ou non effet d'agrégation. Les souches à agrégation ont provoqué des végétations des valves du cœur de plus grande taille, davantage d'ischémie et une mortalité plus élevée (Herzberg et al., 1992). De plus, une augmentation de l'agrégation des plaquettes en réaction à une injection de S.s. a été décrite chez des lapins ayant une alimentation riche en graisses (Herzberg et Meyer, 1996).
Un rôle pathogène indirect des bactéries parodontales peut être dû à une arrivée massive de cellules inflammatoires dans les vaisseaux sanguins majeurs en association avec une bactériémie et le (LPS) produit par des bactéries Gram négatif. La production de cytokines, telles que IL-1β et TNF-α, de prostaglandines et de facteurs de croissance - y compris le facteur de croissance dérivé de plaquettes, le facteur de croissance fibroblastique et le facteur de croissance stimulateur de colonies de macrophages et de granulocytes - peut contribuer à un épaississement de la paroi de l'artère, plusieurs de ces substances étant athérogéniques (Marcus et Hajjar, 1993).
Il est maintenant reconnu que les réactions inflammatoires à des attaques bactériennes montrent des variations considérables d'un individu à un autre, et certains patients réagissent aux bactéries parodontales ou à des produits bactériens parodontaux par une réaction inflammatoire qui produit un niveau élevé de médiateurs inflammatoires (Hernichel-Gorbach et al., 1994 ; Shapira et al., 1994 ; Kornman et al., 1997). Ceci pourrait expliquer la destruction rapide de tissu caractéristique d'une parodontite précoce ou évoluant rapidement. Comme les cytokines semblent avoir un rôle important, à la fois dans la pathogenèse de l'athérosclérose et la parodontite, un phénotype spécifique (MØ+) caractérisé par une production monocytaire plus élevée de IL-1β et TNF-α peut constituer un lien entre les facteurs de risque pour la parodontite destructrice et les MCV (Beck et al., 1996 ; Offenbacher, 1996).
Enfin, la réaction inflammatoire associée à la parodontite élève les niveaux de protéines de réaction primaire, comme le fibrinogène et la protéine C réactive, dans la circulation sanguine (Shklair et al., 1968 ; Pederson et al., 1995 ; Ebersole et al., 1997). Le fibrinogène et la protéine C réactive sont des facteurs de risque pour les MC (Danesh et al., 1998 ; Ridker et al., 1998 ; Koenig et al., 1999) et si leur présence est due à la parodontite, cela peut aussi expliquer un lien entre les MCV et la parodontite.
Actuellement, pour concevoir une stratégie thérapeutique détaillée et prévenir des complications de la parodontite impliquant les MCV, il n'y a pas d'autre base scientifique que des modalités de traitement parodontal qui réduisent la charge bactérienne de la cavité buccale.
L'endocardite infectieuse (EI) est une infection des parois endothéliales du cœur (Durack, 1990) avec une incidence annuelle, dans les pays industrialisés, de 50 cas pour un million d'individus (Gutschik et Lippert, 1990). L'incidence s'accroît de manière significative avec l'âge dans les pays développés, avec l'augmentation du nombre de personnes âgées et de toxicomanes. L'EI est une maladie en augmentation constante (Hogevik et al., 1995). On la trouve principalement chez des patients prédisposés aux lésions cardiaques. Les patients à haut risque et à risque modéré sont ceux ayant des antécédents d'EI et une valvulopathie rhumatismale, des prothèses valvulaires ou des antécédents chirurgicaux (shunt pulmonaire) (Kaye et Abrutyn, 1991 ; Scheld et Sand, 1995). Cependant, on peut rencontrer cette maladie chez un malade sans antécédent (Fiehn et al., 1995). Malgré le nombre relativement faible de cas, la maladie doit être considérée comme très grave car le taux de mortalité peut atteindre 30 à 50 % (Yogev et al., 1988 ; Janatuinen et al., 1991 ; Douglas et Cobbs, 1992).
En fonction d'analyses de sang des patients atteints d'EI, on a pu identifier le micro-organisme infectieux. Des études antérieures ont démontré que plus de 50 % des cas peuvent être attribués aux streptocoques. Dans les plus fréquents, on trouve les Streptococcus viridans souvent présents dans la cavité buccale et, plus précisément, dans la plaque dentaire en association avec la gingivite et la parodontite (Bayliss et al., 1983 ; Douglas et al., 1993 ; Kjerulf et al., 1993). On a également observé d'autres bactéries buccales telles que Actinobacillus actinomycetemcomitans, Eikenella corrodens, et des espèces de Haemophilus venant de la plaque dentaire des patients atteints de parodontite (Nord et Heimdahl, 1990). Parmi les Streptococcus viridans, Streptococcus sanguis est celui que l'on trouve le plus souvent dans le sang des patients atteints d'EI.
En 1995, Fiehn et al. ont révélé l'identité absolue, après ribotypage, entre les isolats du sang et les isolats de la plaque dentaire, établissant la preuve d'une origine buccale possible des bactéries responsables d'EI.
L'invasion du sang par des micro-organismes est le point de départ de la pathogenèse de l'EI menant à une bactériémie. Les bactéries de la cavité buccale peuvent pénétrer dans le sang après une perte d'intégrité des muqueuses suite à des soins dentaires, par exemple un acte de chirurgie dentaire ou un détartrage sous-gingival, mais également, comme mentionné ci-dessus, après la mastication ou des gestes d'hygiène dentaire (Silver et al., 1977 ; Guntheroth, 1984 ; Durack, 1995 ; Gutschik, 1995). Les bactéries présentes dans la circulation sanguine peuvent adhérer à l'endothélium du cœur en cas de lésion préexistante ou en présence d'une plaie microscopique de l'endothélium qui évolue en lésion stérile, composée principalement de plaquettes et de fibrine et appelée endocardite thrombotique non bactérienne (ETNB) (Durack et Beeson, 1972 ; Jen et Lin, 1991). L'adhésion des bactéries à cette lésion est favorisée et sera suivie d'une multiplication de bactéries initiant une concentration d'infection intravasculaire (Durack, 1975).
L'EI est difficile à diagnostiquer et souvent découverte tard dans son évolution. Le traitement nécessite un antibiogramme du micro-organisme responsable et un traitement par antibiotique approprié pendant 6 semaines environ (Baldassarre et Kaye, 1992). Pour les patients à risque, la prévention est essentielle lors de soins dentaires. Les mesures prophylactiques comprennent des bains de bouche à base d'agents antimicrobiens afin de minimiser la charge microbienne de la cavité buccale, l'utilisation systémique des antibiotiques et, en particulier, la réduction au minimum de l'inflammation gingivale chez les patients à risque. Le plus souvent, la prophylaxie médicamenteuse consiste en une dose élevée d'amoxicilline juste avant les soins dentaires et, au plus tard, une ou deux heures après (Durack, 1998).
La pneumonie est une infection du parenchyme pulmonaire dont la cause peut être des bactéries ou d'autres agents infectieux comme les virus, les champignons et les mycoplasmes. En général, la pneumonie bactérienne chez les adultes a pour cause l'aspiration de bactéries bucco-pharyngées, ce qui provoque une infection due à des mécanismes de défense insuffisants chez l'hôte. Il est donc évident que la flore bucco-pharyngée, incluant les bactéries parodontales, peut constituer une cause potentielle d'infection respiratoire.
On peut distinguer deux types de pneumonie : celle contractée en communauté et celle contractée à l'hôpital. En général, le spectre de bactéries impliqué dans ces deux types de la maladie est différent. La pneumonie bactérienne communautaire est due au Streptococcus pneumoniae ou Haemophilus influenzae, mais d'autres espèces peuvent également être impliquées (Ostergaard et Anderson, 1993). La pneumonie communautaire semble être associée à des organismes anaérobies dans 21 à 33 % des cas (Ries et al., 1974 ; Pollock et al., 1983). La plupart des cas de pneumonie bactérienne contractée en dehors de l'hôpital peuvent être traités avec succès par les antibiotiques.
Par contre, la pneumonie bactérienne nosocomiale, une des infections nosocomiales les plus courantes, a un taux de mortalité élevé représentant 19 à 50 % du taux de mortalité dû aux infections nosocomiales (Bartlett et al., 1986 ; Craven et al., 1991). Les malades gravement atteints sont des cibles de prédilection pour la pneumonie bactérienne nosocomiale. Les organismes responsables sont typiquement Staphylococcus aureus, ainsi que des bactéries Gram négatif ou anaérobies comme, par exemple, les Enterobacteriaceae, Escherichia coli, Klebsiella pneumoniae, Pseudomonas aeruginosa et des espèces d'Enterobacter (Johanson et al., 1972). Les pneumonies bactériennes nosocomiales semblent être associées aux organismes anaérobies dans 35 % des cas (Bartlett, 1987), parmi eux figurent Fusobacterium nucleatum et ceux à pigment noir : Bacteroides, Actinomyces, Lactobacillus, Peptostreptococcus, Propriobacterium et Veillonella.
Il a été démontré que la colonisation buccopharyngée par des organismes respiratoires potentiellement pathogènes augmente lors d'une hospitalisation (Wahlin et Holm, 1988 ; Sedgley et Samaranayake, 1994). Une mauvaise hygiène buccale, fréquente chez les malades au stade critique, peut être un facteur qui prédispose à l'infection respiratoire car la plaque dentaire peut servir de réservoir potentiel d'agents pathogènes respiratoires. De fait, de tels agents pathogènes ont été identifiés dans la plaque dentaire supragingivale de 65 % des patients en service de soins intensifs, contre 16 % des patients d'un groupe de contrôle dans une clinique dentaire (Scannapieco et al., 1992 ; Scannapieco et Mylotte, 1996).
La plaque dentaire des patients en soins intensifs contenait S. sanguis, P. aeruginosa et plusieurs types de bactéries Gram négatif aérobies. Ces organismes sont des agents pathogènes respiratoires potentiels bien connus. D'autres auteurs ont constaté la présence d'agents pathogènes parodontaux dont Actinobacillus actinomycetemcomitans, Fusobacterium et Capnocytophaga, qui ont été isolés dans des cas de pneumonie (Lorenz et Weiss, 1994 ; Venkataramani et al., 1994). Une autre étude a démontré que des patients dentés hospitalisés contractaient plus souvent une pneumonie par aspiration (6 sur 22, correspondant à 27 %) que des patients édentés (0 sur 12) et une tendance similaire a été relevée chez les résidents de maisons de retraite (19 % de dentés contre 7,6 % d'édentés) (Terpenning et al., 1993).
Des prélèvements bactériens sous-gingivaux peuvent également être porteurs d'agents pathogènes respiratoires. Des isolats de poches profondes parodontales ont démontré la présence de Enterobacteriaceae (Slots et al., 1988 ; Slots et al., 1990). Ailleurs, on a isolé les mêmes organismes chez 8 % et S. aureus chez 46 % des patients atteints de parodontite (Dahlen et Wikstrom, 1995). De plus, les organismes en cause dans les infections anaérobies respiratoires avec une mortalité élevée due à une suppuration proviendraient le plus souvent de l'environnement sous-gingival (Bartlett, 1987).
Les faits rapportés ici ont pour conséquence thérapeutique des efforts supplémentaires de prévention de la gingivite et de la parodontite. En particulier en ce qui concerne les patients hospitalisés ou en maisons de retraite.
La polyarthrite rhumatoïde et la parodontite ont plusieurs caractéristiques en commun. Une résorption osseuse inflammatoire survient après activation des macrophages et des ostéoclastes (Nair et al., 1996). Un autre facteur commun aux deux maladies est la présence de protéinases matrix metallo lors de la pathogenèse (Page, 1991). Malgré les caractéristiques communes aux deux maladies, il n'y a pas de preuves actuellement pour étayer une association pathogène entre les deux maladies (Malmstrom et Calonius, 1975 ; Iida et Yamaguchi, 1985 ; Laurell et al., 1989 ; Sjostrom et al., 1989 ; Tolo et Jorkjend, 1990 ; Arneberg et al., 1992 ; Yavuzyilmaz et al., 1992 ; Kasser et al., 1997).
Une association entre le diabète sucré (DS) et la parodontite est bien établie. Elle se caractérise par une réceptivité accrue à une perte d'attache parodontale chez les patients atteints de DS (Cianciola et al., 1982 ; Shlossman et al., 1990 ; Grossi et al., 1994). L'influence de la parodontite sur le DS est moins claire, mais plusieurs études ont montré que le traitement de la parodontite peut réduire le besoin d'insuline (Williams et Mahan, 1960 ; Miller et al., 1992) et qu'une parodontite grave est associée à un plus grand nombre de complications cardio-vasculaires (Thorstensson et al., 1996) et un risque accru de déséquilibre du diabète qui peut s'améliorer après un traitement parodontal réussi (Miller et al., 1992 ; Grossi et al., 1996 ; Taylor et al., 1996).
Sur la base d'un certain nombre d'études, on peut penser que, dans certains cas, des abcès au cerveau peuvent être liés à des infections buccales, dont la parodontite (Goteiner et al., 1982 ; Marks et al., 1988 ; Anderson et Horton, 1990 ; Andrew et Farnham, 1990). En général, la cause d'un abcès du cerveau est polymicrobienne et fréquemment associée à Streptococcus mutans et Streptococcus milleri (Marks et al., 1988 ; Andrew et Farnham, 1990). Des infections anaérobies par Peptostreptococcus micros, Fusobacterium nucleatum et des espèces de Bacteroides sont également rapportées (Murdoch et al., 1988 ; Sammalkorpi, 1989 ; Anderson et Horton, 1990). Malgré l'isolement de bactéries suggérant la parodontite comme foyer primaire, il n'y a pas de preuves de lien entre les deux maladies.
En résumé, une association entre l'infection parodontale et les MCV a été révélée lors de plusieurs études épidémiologiques, mais ceci peut s'expliquer par des facteurs de risque établis ou non établis que les deux maladies ont en commun. Par contre, un certain nombre de ces facteurs sont des facteurs d'hygiène de vie qui ont été vérifiés lors de plusieurs des études épidémiologiques citées ci-dessus. De prochaines études, avec des facteurs déterminants plus détaillés, permettront une meilleure compréhension de la possible relation entre ces pathologies. De plus, les mécanismes reliant les MCV et les parodontites méritent d'être éclaircis afin de mettre en évidence ces associations. On a démontré que, dans certains cas, l'EI avait été causée par une bactérie de la plaque dentaire. Plusieurs études menées laissent à penser que les infections bactériennes respiratoires seraient dues à des bactéries buccales. Par contre, il n'a pas été vraiment prouvé que la parodontite augmente de manière significative le risque d'infection respiratoire. Des recherches complémentaires sont donc nécessaires pour le démontrer. La pathogenèse d'un certain nombre d'autres maladies, parmi lesquelles le diabète sucré, la polyarthrite rhumatoïde et l'abcès du cerveau, a été associée à la parodontite, mais il reste nécessaire de rechercher plus avant pour éclaircir en détail une possible interaction pathogène.
Demande de tirés à part
Palle HOLMOSTRUP, Department of Periodontology, School of Dentistry, University of Copenhagen, 20 Nørre Allé, DK-2200 COPENHAGEN - DENMARK. Fax : 45 353 266 99. E-mail : palle.holmostrup@odonto.ku.dk.