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Bruce L. PIHLSTROM * Bryan S. MICHALOWICZ **
*Clinical Oral Heath Research
University of Minnesota
Minneapolis, MN, USA
Réduite à ses plus simples composants, l'étiologie d'une maladie ou d'un désordre interne affectant un individu peut être attribuée à des influences génétiques et/ou environnementales. Il peut y avoir prédominance d'un des deux facteurs, mais les deux peuvent aussi interagir à différents degrés pour permettre l'apparition de la maladie. Le rôle de la génétique dans les maladies parodontales a déjà été développé dans de nombreuses et excellentes...
L'étiologie de toute pathologie ou de tout désordre interne peut être influencée par la génétique et/ou par l'environnement. Ces deux influences interagissent à différents niveaux pour permettre l'apparition des maladies. Depuis de nombreuses années, les cliniciens pensent que les facteurs génétiques interviennent dans le risque parodontal. La mise en évidence du facteur génétique dans le développement des maladies parodontales provient de plusieurs constatations. Les maladies parodontales sont à rapprocher de maladies rares, transmissibles selon les lois de Mendel. Il existe des études concernant des formes de parodontites à début précoce dans une même famille, des études chez des jumeaux et des liens biologiques possibles ou des associations avec des marqueurs génétiques déjà connus dans le génome humain. Puisque l'on appréhende mieux les implications génétiques des maladies parodontales, il semble logique de penser que les cliniciens seront à même de concevoir des techniques préventives spécifiques ciblées et des méthodes de traitement particulières pour les individus les plus susceptibles. De plus, ces connaissances permettront certainement de mettre au point des techniques préventives et des solutions thérapeutiques qui moduleront la réponse de l'hôte chez ces patients génétiquement susceptibles.
Réduite à ses plus simples composants, l'étiologie d'une maladie ou d'un désordre interne affectant un individu peut être attribuée à des influences génétiques et/ou environnementales. Il peut y avoir prédominance d'un des deux facteurs, mais les deux peuvent aussi interagir à différents degrés pour permettre l'apparition de la maladie. Le rôle de la génétique dans les maladies parodontales a déjà été développé dans de nombreuses et excellentes revues de littératures (Gorlin et coll., 1967 ; Sofaer, 1990 ; Michalowicz, 1993, 1994 ; Hart, 1994, 1996 ; Hart et Kornman, 1997 ; Hassell et Harris, 1995). L'objectif de cet article n'est pas de fournir une énième revue de la littérature sur l'implication génétique dans les maladies parodontales, mais plutôt de donner un rapide panorama de la preuve du risque génétique dans les maladies parodontales et de discuter des implications cliniques de ces découvertes récentes.
Depuis de nombreuses années, les cliniciens suspectaient l'existence de facteurs de risque génétiques dans les maladies parodontales. Cette suspicion a été renforcée par la présence de lésions parodontales dans des maladies génétiques rares, la présence dans une même famille de formes de maladies parodontales juvéniles, et l'évidence que des individus exposés au même environnement n'étaient pas égaux devant toute maladie. Plus récemment, des études sur les jumeaux avec des marqueurs génétiques se sont rajoutées au faisceau de preuves suggérant une influence significative de la génétique dans les parodontites chroniques de l'adulte. Le moment n'est certainement pas encore venu où des techniques préventives et des solutions thérapeutiques reposant sur une identification génétique seront disponibles. Malgré cela, les connaissances sur le risque génétique et ces maladies s'accentuent. On augmentera donc de façon significative les méthodes préventives reposant sur l'analyse de l'environnement et, peut-être, ferons-nous une prévention agissant directement sur l'hôte et des traitements pour ces individus qui, pour des raisons génétiques, présentent une susceptibilité aux maladies parodontales.
De nombreuses formes de parodontites ont été associées à des désordres génétiques rares telles que les pathologies métaboliques, vasculaires, conjonctives, hématologiques. Comme le précisent Gorlin et coll. (1967), ces situations sont souvent dues à la mutation d'un seul gène avec constamment, quel que soit l'environnement, une atteinte parodontale profonde. On peut citer, par exemple, l'acatalasie, la neutropénie cyclique, l'hypophosphatasie, les syndromes de Chediak-Higashi, Ehler-Danlos et Papillon-Lefèvre. Chacune de ces situations présente une forme sévère de parodontite entraînant la perte prématurée des dents.
Les cliniciens sont bien informés des effets importants de la neutropénie sur la pathogénie et le risque de parodontites. En effet, des défauts familiaux de la chimiotaxie des neutrophiles ont été rapportés chez des patients atteints de parodontite juvénile (van Dyke et coll., 1985 ; Boughman et coll., 1992). Des anomalies des neutrophiles ont aussi été mis en évidence dans des familles présentant des parodontites prépubertaires (Page et coll., 1983) et il est évident que des individus qui ont un défaut de l'adhésion des leucocytes présentent un risque majoré de développer une parodontite prépubertaire généralisée (Waldrop et coll., 1987 ; Etzioni et coll., 1992). Récemment, un mode de transmission autosomal dominant a été rapporté pour la parodontite prépubertaire dans une même famille qui ne présente pas de défauts d'adhésion des leucocytes (Shapira et coll., 1997). Cette situation montre, à l'aide d'un éclairage nouveau, qu'il est possible d'observer, pour des conditions génétiques différentes, des situations cliniques similaires.
La forte prévalence familiale de la parodontite juvénile a apporté très tôt une confirmation du rôle génétique dans l'étiologie et/ou la pathogénie des maladies parodontales (Benjamin et Baer, 1967 ; Butler, 1969 ; Fourel, 1972 ; Jorgenson et coll., 1975 ; Saxen, 1980). Plusieurs études ont montré que cette maladie est transmise directement soit par association au chromosome X, soit par voie autosomale récessive (Saxen, 1980 ; Saxen et Nevanlinna, 1984 ; Long et coll., 1987 ; Beaty et coll., 1987). D'autres auteurs ont rapporté une voie de transmission autosomale dominante (Boughman et coll., 1986 ; Marazita et coll., 1994), surtout lorsque d'autres situations génétiques additionnelles sont envisagées et que le biais lié au sexe féminin est pris en compte (Hart et coll., 1992). Quel que soit le mode de transmission, il est évident, au travers de ces études, qu'une composante familiale forte est présente dans les formes localisées ou généralisées de parodontite juvénile. Boughman et coll. (1986) ont constaté, dans une forme autosomale dominante de parodontite juvénile, un lien génétique sur la chaîne longue du chromosome 4. Bien que cette constatation n'ait pas été confirmée dans d'autres groupes d'individus (Hart et coll., 1993), ce lien génétique sur un site chromosomique spécifique constitue une preuve indéniable supplémentaire de l'existence d'une composante génétique forte dans les maladies parodontales.
Puisque différents modes mendéliens de transmission ont été rapportés pour les formes de parodontite juvénile, il y a de multiples conditions génétiques qui se manifestent par des signes cliniques ou des phénotypes communs. Les stratégies de prévention et de traitement des différentes formes de parodontite juvénile varieront donc selon les mécanismes impliqués dans l'étiologie et la pathogénie des maladies. Par exemple, si un patient présente une forme de parodontite juvénile associée à un défaut leucocytaire, la prévention et le traitement seront différents de ceux employés dans une forme associée à l'invasion tissulaire par une bactérie spécifique. Les stratégies de prévention et de traitement resteront les mêmes pour les différentes formes de maladies jusqu'au moment où les cliniciens seront capables de faire un diagnostic différentiel génotypique. Ce type de thérapeutique présentera différentes formes en fonction du rôle génétique spécifique. Puisque la génétique et l'environnement contribuent tous les deux au risque, l'absence de reconnaissance et d'identification de ces deux facteurs peut altérer l'efficacité de la suite du traitement.
Les cliniciens ont pensé que des groupes ethniques ou raciaux présentent une susceptibilité accrue aux maladies parodontales. En effet, il est évident que les noirs américains présentent des atteintes plus sévères que la population blanche (Beck et coll., 1990 ; Oliver et coll., 1991) et que les habitants du Sri Lanka et du Sud Pacifique ont des atteintes plus importantes que d'autres populations étudiées (Baelum et coll., 1996). Cela ne signifie pas nécessairement que des facteurs génétiques soient responsables des différentes formes de parodontite observées dans des groupes ethniques ou des populations différentes. Des différences dans les facteurs environnementaux peuvent très largement être responsables des variations rapportées. Il est cependant intéressant de noter que, dans la population des cueilleurs de thé du Sri Lanka où l'environnement est homogène, il existe des groupes hétérogènes distincts dans l'évolution de la maladie (Löe et coll., 1986). Peu d'individus (8 %) montrent une progression rapide de la maladie. La plupart (81 %) ont une progression modérée alors que quelques-uns (11 %) ne présentent aucune progression sur 15 ans. A nouveau, ces données ne prouvent pas l'existence d'une influence génétique, mais soulignent l'éventualité de variations dans les groupes et entre les groupes dans la progression de la maladie en rapport avec un risque génétique.
Les études chez les jumeaux offrent une voie unique et forte d'estimation de l'implication génétique dans les maladies courantes. Ces études ont été utilisées pour identifier les influences génétiques sur de nombreuses maladies chroniques comme les atteintes coronaires et l'hypertension, les maladies intestinales inflammatoires, l'ulcère, les maladies cardiaques et la schizophrénie (Berg, 1983, 1984 ; Borhani et coll., 1976 ; King et coll., 1992). De même, les études sur les jumeaux ont contribué à la compréhension des implications génétiques dans divers traits physiques comme la vision, la personnalité, la fonction pulmonaire, les niveaux sériques d'immunoglobulines et les caractéristiques circadiennes du rythme cardiaque (Hubert et coll., 1982 ; Knoblock et coll., 1985 ; Hanson et coll., 1984 ; Kouvalainen et Moilanen, 1987 ; Tellegen et coll., 1988). De plus, les études sur les jumeaux ont révélé des influences génétiques significatives au niveau de différentes caractéristiques cranio-faciales (Nakata, 1985) et de la carie (Boraas et coll., 1988).
Des hypothèses fondamentales soutiennent la méthode classique des études jumellaires. Certains pensent que les monozygotes partagent 100 % de leurs gènes alors que les hétérozygotes ont, en moyenne, comme les frères et sœurs, 50 % de leurs gènes en commun. D'autres considèrent que hétéro- et homozygotes, élevés dans la même famille, partagent un environnement familial commun et proviennent donc du même pool génétique. Des homozygotes élevés dans la même famille seraient plus semblables (concordance) que des hétérozygotes concernant des traits discrets (présence ou absence) qui ont une composante génétique significative. Pour des traits suivis (évalués sur une échelle continue) comme la profondeur de poche au sondage ou le niveau d'attache, toute différence quantitative entre les hétéro- et les homozygotes élevés ensemble serait due à une variabilité génétique.
Les premières études sur les jumeaux ont donné des indications sur l'influence génétique significative sur les maladies parodontales car les jumeaux homozygotes ont montré une plus grande concordance dans la prévalence de la parodontite (Noack, 1940). Malgré tout, d'autres facteurs dans cet échantillon, comme les facteurs environnementaux, et l'absence de groupe témoin (jumeaux hétérozygotes) ne permettent pas de séparer les influences génétiques des influences environnementales. Dans leur étude, Ciancio et coll. (1969) ne trouvent pas d'influences génétiques sur les différents paramètres des maladies parodontales, mais cette étude utilise un échantillon limité de jeunes jumeaux entre 12 et 17 ans qui, à l'évidence, ont peu de risque de présenter une parodontite. Plus récemment, nous avons rapporté, d'une part, les résultats d'une étude sur 110 paires de jumeaux adultes (Michalowicz et coll., 1991a) et, d'autre part, sur un groupe de 164 paires de jumeaux adultes dont 21 paires d'homozygotes élevés séparément, 17 paires d'hétérozygotes élevés séparément, 83 paires d'homozygotes élevés ensemble et 43 paires d'hétérozygotes du même sexe élevés ensemble (Michalowicz, 1994). Des exemples de jumeaux observés dans cette étude sont montrés dans les figures 1a, 1b, 1c et 1d et 2a, 2b, 2c et 2d . Les résultats de ces études indiquent que les facteurs génétiques ont une forte influence sur le risque de présenter une parodontite de l'adulte (tableau I). Les comparaisons entre les groupes homozygotes élevés ensemble et séparément ne montrent pas de différence statistiquement significative par rapport à la sévérité de la maladie.
Ces constatations suggèrent que l'environnement familial partagé, tôt dans la vie, par les homozygotes élevés ensemble n'a pas d'influence sur la perte d'attache observée à l'âge adulte (Michalowicz, 1994). De plus, l'évaluation radiographique du niveau osseux chez 120 paires de jumeaux adultes révèle qu'il y a aussi une influence génétique significative sur ce paramètre (Michalowicz et coll., 1991b). Prises ensemble, ces données associées avec une étude indépendante réalisée sur un autre échantillon de jumeaux présentant une atteinte parodontale (Corey et coll., 1993) indiquent clairement qu'il y a un risque génétique évident dans la parodontite de l'adulte.
Pour le clinicien, il est important de comprendre les limites des études sur les jumeaux. Bien qu'elles offrent un outil performant pour déterminer l'influence génétique sur un trait particulier ou sur une maladie, elles sont moins efficaces pour quantifier l'importance spécifique de ce facteur génétique. Par exemple, notre étude utilisant des jumeaux élevés ensemble évalue à 48 % la variance de la population pour la perte d'attache pouvant être attribuée à des facteurs génétiques (Michalowicz et coll., 1991a). L'intervalle de confiance de 90 % pour cette variable était très large et fluctuait entre 21 à 71 % (tableau I). L'évaluation de l'influence génétique reste donc plutôt imprécise car il faut idéalement des groupes très importants de jumeaux (plusieurs centaines de paires). De même, les homozygotes élevés séparément constituent un groupe plus probant car l'évaluation de l'influence génétique est obtenue directement en calculant le coefficient de corrélation entre ces cas rares de jumeaux sans avoir à effectuer des comparaisons entre hétérozygotes comme dans le groupe élevé ensemble.
Il est aussi important que les cliniciens comprennent clairement que les études sur les jumeaux n'évaluent que les variations entre des populations dues à des influences génétiques. Cela signifie que, dans n'importe quel échantillon, un pourcentage donné d'individus atteints de parodontite présente une implication génétique. Cela ne signifie pas que, pour un individu donné, une partie de sa maladie soit due à un facteur génétique. En effet, pour un individu, l'influence génétique est soit plus importante soit plus faible que pour une population entière. Ainsi, si un patient présente une atteinte parodontale très superficielle en présence de nombreux facteurs étiologiques locaux comme la plaque bactérienne ou le tartre, il/elle est plus résistant(e) à la maladie parodontale. La résistance peut, en grande partie, être due à une protection génétiquement programmée contre les influences environnementales qui, en d'autres situations, entraîneraient l'apparition de la maladie. De même, des patients sont plus susceptibles s'ils présentent des signes avancés de parodontite en présence de facteurs environnementaux peu nombreux. Cette susceptibilité à la maladie serait en relation avec des facteurs de l'hôte génétiquement prédéterminés.
Les cliniciens doivent garder à l'esprit que les études sur les jumeaux ne donnent aucune indication sur les mécanismes par lesquels les facteurs génétiques ont un effet sur l'étiologie ou la pathogénie de la maladie. Par exemple, les études sur les jumeaux ne peuvent, à elles seules, dire si l'influence génétique sur les maladies parodontales se manifeste par le système immunitaire humoral ou cellulaire, ou si cette expression se fait simplement par des éléments anatomiques, comme la forme des dents ou des arcades, qui prédisposeraient la denture à la maladie parodontale. Bien que les études sur les jumeaux constituent un premier pas important permettant de définir la composante génétique dans les maladies parodontales, elles doivent être suivies par d'autres recherches si un mécanisme génétique spécifique doit être déterminé. De telles études nécessitent, généralement, des familles pour lesquelles un lien entre la maladie et des marqueurs génétiques spécifiques est étudié.
Un marqueur génétique est un gène spécifique ou une partie d'ADN dont la séquence a parfaitement été identifiée dans un site précis sur un chromosome. Par exemple, l'ADN localisé à des endroits spécifiques (sites GC) du bras long du chromosome 4 est impliqué dans la synthèse d'une protéine liée à la vitamine D et un autre gène voisin participe à la dentinogenèse imparfaite. Il a été montré qu'une forme de parodontite juvénile transmise sur un mode autosomal dominant est liée aux sites GC et au gène de la dentinogenèse imparfaite (Boughman et coll., 1986). Comme le précisent Hart et coll. (1993), il y a de nombreux gènes dans cette région du chromosome 4 qui peuvent être importants dans l'étiologie de la parodontite juvénile. Ils comprennent l'ostéopontine, qui pourrait être un facteur de fixation du tissu conjonctif, l'annexine III, qui aurait un rôle important dans l'inflammation et l'interleukine 8, qui agirait comme la chimiotaxie des neutrophiles. Ces gènes font donc de cette zone du chromosome 4 un candidat intéressant pour l'étude des liens avec la parodontite juvénile. Mais, le lien entre cette forme de parodontite et les marqueurs génétiques présents sur le chromosome 4, rapporté par Boughman et coll. (1986), n'a pas été confirmé sur une population de patients atteints de parodontite à début précoce (Hart et coll., 1993). Il semblerait que l'échantillon étudié par Boughman et coll. (1986) provienne d'une population particulière d'individus présentant une forme de parodontite à début précoce qui n'est pas retrouvée dans d'autres groupes d'individus. Sans tenir compte de ces observations, ces études constituent un excellent exemple du genre d'études familiales qu'il faut réaliser pour déterminer les liens entre un gène particulier ou un groupe de gènes et une maladie. Lorsqu'un lien avec la région spécifique d'un chromosome est établie, des travaux supplémentaires doivent être réalisés pour localiser précisément le gène ou le groupe de gènes associés à la maladie.
De nombreux sites chromosomiques du génome humain sont des candidats potentiels pour les différentes formes de parodontites (Sofaer, 1990 ; Michalowicz, 1994 ; Hart, 1996 ; Hart et Kornman, 1997). Entre autres, des sites sur les chromosomes 1, 2, 6, 9, 12 et 20 ont été associés à la réponse immunitaire de l'hôte face à l'infection bactérienne (Hart et Kornman, 1997). De nombreuses études ont évalué la prévalence des spécificités de l'antigène HLA de classe I et II et les marqueurs de groupes sanguins dans différentes formes de parodontite (pour revue, Sofaer, 1990 ; Michalowicz, 1994). Les spécificités antigéniques de la région HLA du chromosome 6 pourraient augmenter la susceptibilité à la maladie parodontale. Malgré cela, les résultats des liens génétiques et les études recherchant les liens entre les groupes spécifiques génétiques HLA et les différentes formes de parodontite ont été inconsistantes. Cependant, des preuves récentes montrent que certains sites HLA sont associés à des formes localisées, et non généralisées, de parodontites à début précoce (Shapira et coll., 1994). L'absence globale de lien entre les études génétiques et ces études pourraient résulter de l'hétérogénéité des maladies parodontales. En d'autres termes, les différentes formes de parodontite pourraient être en relation avec un grand nombre d'influences génétiques. De plus, ces influences génétiques pourraient être plus marquées dans certains phénotypes. L'impossibilité de distinguer ces phénotypes, d'un point de vue clinique, limite grandement l'aptitude des études génétiques à établir des liens ou des associations avec des marqueurs déjà connus.
Il est évident qu'il nous faut mettre au point des techniques de laboratoire permettant de détecter les phénotypes cliniques associés aux différentes formes de parodontite (Potter, 1989).
Récemment, Kornman et coll. (1997) ont rapporté que la présence d'un génotype spécifique de l'interleukine-1 était associée à la parodontite sévère dans un groupe de patients provenant de trois exercices privés. Ils constatent que l'odd-ratio maladie sévère/maladie modérée pour un génotype spécifique était de 6,8 pour tous les patients non fumeurs et de 18,9 pour les non-fumeurs âgés de 40 à 60 ans. Lorsque les fumeurs sont inclus, aucune association n'est trouvée avec ces marqueurs génétiques. Il s'agit donc de données intéressantes, si elles sont confirmées dans d'autres groupes de la population. Cela pourrait signifier qu'il s'agit là d'un mécanisme spécifique par lequel les influences génétiques pourraient avoir un effet sur la pathogénie de la maladie parodontale. Comme l'ont remarqué Kornman et coll. (1997), l'interleukine-1 est une protéine phlogogène qui est impliquée dans la dégradation de la matrice extracellulaire et de l'os dans les tissus parodontaux (Birkedal-Hansen, 1993 ; Tatakis, 1993 ; Tewari et coll., 1994). Depuis que cette association n'a pas été trouvée chez les fumeurs, l'idée que certains facteurs environnementaux pourraient avoir un rôle prédominant dans l'étiologie de certaines formes de parodontite a été renforcée, ce qui pourrait, de plus, réduire ou modifier l'influence des facteurs génétiques.
Il semble actuellement peu vraisemblable que, dans un futur immédiat, des méthodes de prévention et de traitement reposant sur des données génétiques puissent être utilisées couramment. Malgré tout, les données provenant des études génétiques permettront aux cliniciens de cibler des stratégies préventives ou thérapeutiques pour des individus susceptibles. Par exemple, si l'on sait déjà qu'une famille présente une susceptibilité génétique à la parodontite à début précoce, des moyens spécifiques pour contrôler les facteurs environnementaux, comme certaines souches de bactéries, pourraient être efficaces dans la prévention de la maladie. S'il est possible d'identifier certains individus, à partir de leur génotype, comme présentant un risque de développer une parodontite de l'adulte, d'autres moyens préventifs permettant de diminuer les facteurs environnementaux doivent être envisagés. Il est important de comprendre que les études sur le rôle de la génétique dans les maladies parodontales n'en sont qu'à leur début et qu'il est donc difficile de prévoir les applications cliniques de telles études. Actuellement, les méthodes moléculaires pour détecter un marqueur spécifique chez les patients (Korman et coll., 1997) permettraient d'identifier les patients qui pourraient développer la maladie. Pourtant, il reste à confirmer que la prévention est efficace sur les patients " susceptibles génétiquement ". En fin de compte, le succès des programmes de prévention sera déterminé par l'importance de l'influence de l'environnement sur la maladie et l'efficacité de la stratégie de prévention individuelle. Par exemple, il est bien établi que le tabac est un des facteurs de risque majeur de la parodontite de l'adulte. L'accentuation de la maladie attribuée au tabac serait si importante que cela masquerait toute susceptibilité génétique ou toute résistance à la maladie (Kornman et coll., 1997). Pour ces patients, les stratégies de prévention doivent s'intéresser à ce facteur environnemental écrasant que constitue l'usage du tabac. Cependant, les programmes préventifs de sevrage tabagique ont des succès limités. Il est aussi possible qu'un mécanisme génétique opérationnel pour les maladies parodontales soit découvert et qu'il puisse être régulé ou modulé par des méthodes de traitement prenant en compte l'hôte. Un processus inflammatoire destructif génétiquement prédéterminé pourrait, par exemple, être modulé par des médicaments anti-inflammatoires. Ceci pourrait être très efficace sur des individus génétiquement prédéterminés qui auraient des destructions parodontales inflammatoires très rapides. L'identification des facteurs de risque génétiques déclenchés au moment du traitement permettra d'améliorer la prévention et la thérapeutique associées à certaines formes de maladies aujourd'hui difficilement contrôlables par des traitements non spécifiques reposant sur l'analyse de l'environnement.
Demande de tirés à part
Bruce L. PIHLSTROM, MS, 17 116 Moos Tower, School of Dentistry, University of Minnesota, MINNEAPOLIS, MN 55455 - USA - e-mail : Bpihls@maroon.tc.umn.edu.